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coup : elle devient, dit-elle, méchante et provoque dans son intérieur des scènes violentes.

Elle raconte certains épisodes qui montrent bien la raison de son tourment. Un jour qu’elle revenait en fiacre des obsèques d’une dame de sa connaissance, elle sent venir la période qu’elle nomme son accès (état normal), elle s’assoupit pendant quelques secondes, sans que les dames qui étaient avec elle dans le fiacre s’en aperçoivent, et s’éveille dans l’autre état, ignorant absolument pourquoi elle était dans une voiture de deuil, avec des personnes qui, selon l’usage, vantaient les qualités d’une défunte dont elle ne savait pas le nom. Habituée à ces situations, elle attendit ; par des questions adroites, elle se fit mettre au courant, et personne ne put se douter de ce qui s’était passé.

Elle perd sa belle-sœur à la suite d’une longue maladie. Or, pendant les quelques heures de son état normal, elle a eu le chagrin d’ignorer absolument toutes les circonstances de cette mort ; à ses habits de deuil seulement, elle a reconnu que sa belle-sœur, qu’elle savait malade, avait succombé.

Ses enfants ont fait leur première communion pendant qu’elle était en condition seconde ; elle a aussi le chagrin de l’ignorer pendant la période d’état normal.

Il est survenu une certaine différence dans la situation de la malade. Autrefois Félida perdait entièrement connaissance pendant les courtes périodes de transition ; cette perte était même si complète qu’un jour, en 1859, elle tomba dans la rue et fut ramassée par des passants. Après s’être réveillée dans son autre état, elle les remercia en riant, et ceux-ci ne purent naturellement rien comprendre à cette singulière gaieté. Cette période de transition a peu à peu diminué de longueur, et bien que la perte de connaissance soit aussi complète, elle est tellement courte, que Félida peut la dissimuler en quelque lieu qu’elle se trouve. Certains signes à elle connus, tels qu’une pression aux tempes, lui indiquent la venue de ces périodes. Dès