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cette condition seconde, comme l’appelle M. Azam, toutes ses facultés paraissent plus développées et plus complètes.

Cette deuxième vie, où la douleur physique ne se fait pas sentir, est de beaucoup supérieure à l’autre ; elle l’est surtout par ce fait considérable que, pendant sa durée, Félida se souvient non seulement de ce qui s’est passé pendant les accès précédents, mais aussi de toute sa vie normale, tandis que pendant sa vie normale, elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant ses accès.

Après un temps variable, tout à coup la gaieté de Félida disparaît, sa tête se fléchit sur sa poitrine et elle retombe dans un état de torpeur. Trois à quatre minutes s’écoulent et elle ouvre les yeux pour rentrer dans son existence ordinaire. On s’en aperçoit à peine, car elle continue son travail avec ardeur, presque avec acharnement ; le plus souvent c’est un travail de couture entrepris dans la période qui précède ; elle ne le connaît pas, et il lui faut un effort d’esprit pour le comprendre. Néanmoins elle le continue comme elle peut, en gémissant sur sa malheureuse situation ; sa famille, qui a l’habitude de cet état, l’aide à se mettre au courant.

Quelques minutes auparavant elle chantonnait quelque romance ; on la lui redemande ; elle ignore absolument ce qu’on veut dire. On lui parle d’une visite qu’elle vient de recevoir ; elle n’a vu personne. L’oubli ne porte que sur ce qui s’est passé pendant la condition seconde, aucune idée générale acquise antérieurement n’est atteinte, elle sait parfaitement lire, écrire, compter, tailler, coudre, etc., et mille autres choses qu’elle savait avant d’être malade ou qu’elle a apprises pendant ses périodes précédentes d’état normal.

Vers 1858, s’est montré un troisième état qui n’est qu’un épiphénomène de l’accès. M. Azam a vu cet état seulement deux ou trois fois, et pendant seize ans son mari ne l’a observé qu’une trentaine de fois : étant dans sa condition seconde, elle s’endort de la façon déjà décrite, et au lieu de s’éveiller dans l’état normal comme d’habitude, elle se