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III


Les mouvements de l’écriture sont de ceux qui se conservent le mieux chez les hystériques anesthésiques ; de plus, ils se prêtent assez bien à l’analyse ; aussi feront-ils l’objet de notre première étude ; nous allons résumer ici des observations faites avec M. Féré sur une trentaine de malades.

Ce sont ces expériences qui m’ont conduit à reconnaître la division de conscience chez les hystériques. J’avais eu l’idée a priori que si une hystérique écrivait les yeux fermés avec sa main insensible, l’absence de sensations musculaires se ferait gravement sentir et l’écriture serait tout à fait incoordonnée. J’ignorais complètement, à ce moment, la nature de l’anesthésie hystérique. Je fis l’expérience et le résultat donna tort à mon idée préconçue. Je fus amené alors, avec M. Féré, à étudier les sensations kinesthésiques, et progressivement je constatai avec lui le rôle des images visuelles et la séparation des consciences.

La plupart des malades hystériques peuvent écrire les yeux fermés, avec leur main insensible ; pour ces expériences il faut préférer ceux qui ont la main droite insensible. L’écriture tracée les yeux fermés ne diffère pas beaucoup de l’écriture tracée les yeux ouverts ; un observateur non prévenu ne les distinguerait pas ; les deux spécimens d’écriture ont la même grandeur, et nous paraissent appartenir au même type graphique ; parfois on observe le redoublement ou l’omission d’un jambage ou d’une lettre, irrégularités légères que l’on retrouve chez un sujet normal écrivant les yeux fermés ; parfois aussi l’écriture tracée les yeux fermés se distingue par son amplitude. Quand le malade est insensible de la main gauche et écrit avec cette main, l’écriture peut être renversée de droite à gauche ; c’est ce qu’on appelle l’écri-