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avec des personnes présentes et m’avait complètement oublié ; je lui commandai tout bas de faire des bouquets de fleurs pour les offrir aux personnes qui l’entouraient. Rien n’était curieux comme de voir sa main droite ramasser une à une des fleurs imaginaires, les déposer dans la main gauche, les lier avec une ficelle aussi réelle et les offrir gravement, le tout sans que Léonie s’en fût doutée ou ait interrompu sa conversation. »

Il y a beaucoup de malades hystériques qu’on ne peut pas suggestionner à l’état de veille, ou plus exactement, car tout est relatif, qui peuvent résister aux suggestions de tel et tel expérimentateur ; elles discuteront l’ordre, et s’il ne leur plaît pas, elles ne l’exécuteront pas. La suggestion par distraction permet de les surprendre, et les oblige à obéir, car leur personnalité principale n’entend pas la suggestion, et par conséquent ne peut pas s’y opposer, et l’acte ordonné s’exécute à l’insu des malades.

Ce qui est un procédé commode de suggestion peut devenir d’autre part l’occasion de grossières erreurs dans les expérimentations.

Il est prudent que les expérimentateurs pensent souvent à cet inconscient qui existe chez les hystériques, même à l’état de veille ; il faut apprendre à s’en méfier, et bien savoir qu’alors que l’hystérique consciente ne voit pas et n’entend pas, l’inconscient peut voir et entendre, et par conséquent recevoir des suggestions. Tout se passe, en somme, quand on étudie une hystérique, comme si on expérimentait sur le plus rusé des fourbes.

Le danger est d’autant plus grand qu’il est permanent ; il subsiste dans tous les états naturels ou artificiels, si nombreux et si variés, par lesquels peut passer une hystérique.