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thésie psychique, elle peut aussi produire une division de conscience, puisque les deux phénomènes sont, jusqu’à un certain point, équivalents ; notre nouvelle étude se rattache donc à la précédente ; peut-être aussi est-ce la même étude qui va continuer, sous une forme un peu différente.

La distraction est une anesthésie passagère, a-t-on dit, et l’anesthésie (psychique) est une distraction permanente. L’hystérique, dont le bras est insensible, se trouve à peu près dans la même situation d’esprit que si elle ne pensait jamais à son bras, si elle s’en désintéressait, si elle fixait ailleurs toutes les forces de son attention. Eh bien, faisons-en l’expérience, retenons sur un point l’attention de cette hystérique, et examinons les effets spéciaux de la division de conscience par distraction.

Les premières expériences ont été faites par M. Pierre Janet, sur des malades hystériques. C’est à ses recherches que nous devons une étude très détaillée de la distraction dans ses rapports avec les phénomènes inconscients.

La production de l’inconscience par distraction repose sur des données psychologiques connues ; cependant j’avoue avoir longtemps hésité à m’engager dans cette voie, faute de preuves objectives suffisantes, car l’état de distraction ne peut pas se constater avec autant de précision qu’une anesthésie. M. Pierre Janet a eu raison de ne pas se laisser arrêter par des scrupules que je reconnais moi-même un peu exagérés.

Les expériences qu’il a faites sont plus faciles à répéter et à contrôler qu’on ne le croirait de prime abord. On pourrait s’imaginer que si complète que soit l’attention, la distraction qu’elle amène ne vaut point une anesthésie véritable. Ceci serait vrai pour une personne normale. Essayons de la distraire, d’occuper ailleurs son attention, nous n’y réussirons qu’avec peine. Pendant qu’on l’engage dans une conversation avec une tierce personne ou qu’on lui fait lire un ouvrage intéressant, elle garde une arrière-pensée qui l’empêche de se livrer entièrement à ces occupations ; et malgré elle, de temps en temps, son attention