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rement l’anesthésie hystérique, dont nous avons montré la nature essentiellement psychique, qu’il existe une relation des plus étroites entre l’état de distraction et l’insensibilité.

On sait que l’attention est un effort de l’esprit et de l’organisme entier, qui a pour résultat d’augmenter l’intensité de certains états de conscience ; en se portant sur une perception, par exemple, l’attention la rend plus rapide, plus exacte, plus détaillée ; elle y arrive soit en agissant sur l’accommodation de l’organe sensoriel en exercice, soit en suscitant les images mnémoniques appropriées à la perception de l’objet, soit par d’autres procédés que nous ignorons. Cette adaptation convergente de toutes les forces disponibles de l’organisme sur un seul phénomène, qui peut être une sensation, une image, un sentiment, etc., a pour conséquence de produire un état temporaire de monoidéisme. Lorsque notre attention se porte avec force sur une chose, nous ne pensons pour un moment à rien autre ; et chacun sait que si nous sommes absorbés par une lecture attachante, il peut arriver que d’autres personnes causent autour de nous sans que nous entendions leur voix. De même, lorsque nous attendons avec impatience une personne et que nous la voyons venir de loin, dans la rue, elle se détache pour nous de la foule qui l’environne ; si nous épions son pas, nous pouvons percevoir ce bruit léger du milieu d’une foule d’autres bruits beaucoup plus intenses, que nous cessons parfois d’entendre. L’attention met donc, peut-on dire, nos organes des sens dans un état d’hyperesthésie spéciale, locale, c’est-à-dire systématisée, relative à une certaine sensation, et en revanche, il se produit en même temps, pour tout ce qui n’est pas cette sensation ou pour tout ce qui ne s’y rapporte pas, un état passager de sensibilité moindre, disons même d’anesthésie. L’attention ne va pas sans la distraction ; on ne fait pas attention à certaines choses sans se distraire des autres ; l’attention, c’est le côté de la lumière, et la distraction, c’est le côté de l’ombre.

Or, si l’attention peut indirectement produire une anes-