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conscience. On comprend la gravité de cette conclusion, qui peut conduire à toute une théorie sur la répartition de la conscience dans le monde. Nous inclinons à croire, sans être absolument affirmatifs, que le point de départ de cette théorie n’est point solide.

Son point de départ, c’est la croyance un peu naïve que la conscience qui nous est personnelle, et au centre de laquelle nous nous trouvons, est la seule qui existe en nous, et qu’en dehors d’elle rien n’a conscience de rien.

Les expériences qu’on vient de lire montrent que chez l’hystérique le seuil de la conscience n’a qu’une valeur toute relative ; c’est simplement le seuil d’une conscience ; au-dessous, il y en a d’autres, et probablement la conscience se perd et se dégrade par transitions insensibles, absolument comme tous les phénomènes physiques que nous connaissons.

On ne se doute pas de la faible quantité d’excitation qui suffit chez certains sujets pour faire naître la conscience. Nous touchons ici à des questions encore bien obscures, et qui seront sans doute dans l’avenir l’objet de découvertes importantes. À titre de suggestion seulement, je mentionnerai quelques expériences inachevées que j’ai faites, et qui semblent montrer que l’inconscient peut avoir une acuité de perception tout à fait remarquable. Je suis parvenu, en m’adressant au sens tactile d’un membre insensible, à faire enregistrer par l’écriture automatique des excitations tellement faibles et délicates que jamais le toucher normal ne les aurait perçues. J’ai placé sur le tégument insensible du dos de la main, du cou, etc., des lettres, des objets de petite dimension et en relief, et la main du sujet est parvenue souvent à dessiner exactement la lettre et l’objet en relief. D’après les calculs que j’ai pu faire, la sensibilité inconsciente d’une hystérique est à certains moments cinquante fois plus fine que celle d’une personne normale. Peut-être que dans quelques circonstances la prétendue action de la pensée à distance peut s’expliquer par cette hyperacuité sensorielle vraiment extraordinaire.