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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

porter des observations d’histologie sur la forme que les cellules nerveuses affectent dans le sens visuel cortical. Tout cela est sans doute bien instructif, mais ne rend aucun service au professeur pour faire sa classe, ni pour reconnaître les enfants myopes ou les enfants sourds.

On supposera donc volontiers que le silence des traités de pédagogie tient à cette raison toute naturelle que les maîtres savent faire l’examen des organes des sens et n’ont aucun besoin qu’on le leur apprenne. C’est encore une erreur. J’ai visité bien des classes et causé avec beaucoup de maîtres, tant à Paris qu’en province ; ils avaient les notions les plus vagues sur ce chapitre. Quelques-uns pouvaient nous signaler deux ou trois de leurs élèves qui avaient une vue particulièrement mauvaise ; mais ils n’avaient pas eu le mérite d’en faire la découverte ; ils avaient été renseignés soit par l’enfant soit par la famille. La plupart des maîtres non seulement sont complètement ignorants de ces choses, mais encore ils supposent qu’elles ne sont pas de leur compétence. Ils nous ont dit qu’ils se sentent incapables de déterminer l’acuité visuelle ou auditive d’un individu. Ils ajoutent que ce n’est par leur affaire, c’est l’affaire du médecin. Si on consulte les médecins à ce propos, ils donnent entièrement raison aux instituteurs ; ils affirment que l’examen de la vision suppose l’emploi d’appareils compliqués, et des connaissances extrêmement abstruses de physiologie, de pathologie que les médecins sont seuls à posséder. Cela n’est pas très encourageant. Il y a même mieux. Je me rappelle qu’il y a quatre ans, j’avais fait faire des examens de vision par des instituteurs d’école. On l’apprit ; et aussitôt une société de médecins inspecteurs s’émut de cette atteinte à ses prérogatives ; elle nomma une délégation, qui porta ses plaintes devant le Directeur de l’enseignement.