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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

C’est en faisant prévaloir ces idées de contrôle scientifique, c’est en guidant ainsi la répartition générale des secours, que l’éducateur contribuera, pour une grande part, à introduire le bon sens, la précision et la justice dans les œuvres d’humanité.


Voilà ce qu’on peut dire sur la manière dont il faut diriger les actes d’assistance. Mais la question est encore plus étendue, et le mal est encore plus profond que ce que nous avons laissé supposer. Les classes pauvres et misérables ne présentent pas seulement des signes de dégénérescence physique. Leur dégénérescence physique s’accompagne de dégénérescence intellectuelle et morale. Ce ne sont pas seulement des vues théoriques, ce sont malheureusement des faits, des faits indéniables ; nous les avons recueillis non seulement à Paris, mais dans des villes de province, et jusqu’au milieu des populations agricoles. Partout, les enfants de parents pauvres et misérables sont moins intelligents que les autres ; ce qui l’atteste, c’est d’abord qu’en général ils sont plus souvent en retard dans leurs études ; ils ont à onze ans, par exemple, l’instruction à laquelle les fils de familles plus aisées atteignent dès neuf et dix ans ; autre preuve, ils arrivent en moins grand nombre au certificat d’études, cet examen dont il ne faut pas médire, car il est une mesure de niveau intellectuel. Dans une petite école de campagne, on a fait une petite enquête, sur ma demande, et on a trouvé que tous les enfants de milieux aisés avaient eu leur certificat, tandis que ceux des milieux de misère ne l’avaient obtenu que dans la proportion infiniment faible de un sur quatre. Voilà pour l’intelligence. Ce n’est pas tout ; les sentiments moraux ont subi une déchéance parallèle. Ne parlons point des sentiments moraux des jeunes enfants, car à l’école on n’a guère l’occasion de les observer ; mais prenons surtout en