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LE CORPS DE L’ENFANT

Gilbert[1], Boas[2], West[3], pour juger de l’intelligence des enfants, s’en sont remis à l’appréciation des maîtres et ont demandé à ceux-ci de diviser tous les élèves de leur classe en trois groupes : les plus intelligents, les moyens, les moins intelligents. C’est grâce à cette méthode que ces auteurs ont trouvé un rapport inverse entre le développement corporel et le développement intellectuel, et on comprend bien l’erreur commise. D’abord, les maîtres peuvent se tromper dans leur classement, et, surtout, ils ont tendance à ne pas tenir compte des âges différents des enfants ; de là bien des conséquences. Je préfère de beaucoup la méthode adoptée par l’anthropologiste américain Porter, qui, pour apprécier l’intelligence, ne tient compte que du degré d’instruction et décide qu’à égalité d’âge, l’enfant le plus intelligent est celui qui occupe la classe la plus avancée. En employant cette méthode, Porter a trouvé que les enfants les plus intelligents ont sur les autres une supériorité de poids et de taille[4].

Voulant me faire là-dessus une opinion personnelle, j’ai pris la peine de mesurer le développement physique de six cents enfants environ d’école primaire ; puis, pour opérer leur classement intellectuel, j’ai employé concurremment deux méthodes. La première, à laquelle il vient d’être fait allusion, pourrait prendre le nom de méthode subjective ; elle résulte de l’appréciation des maîtres. La seconde méthode, plus savante, tient compte de la combinaison de deux données : l’âge des enfants et leur degré d’instruction. À égalité d’âge, celui-là est jugé le plus intelligent qui est le plus instruit. Comme on sait exacte-

  1. Yale Studies, vol. II.
  2. Science, New Series, vol. I, p. 225.
  3. Science, New Series, vol. IV, p. 156
  4. Transactions of the Saint-Louis Academy of Science, vol. VI, p. 161.