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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

maintenant examiner une question un peu différente, celle des rapports qui existent entre l’intelligence d’un enfant et sa force corporelle. En examinant cette question, qui présente déjà par elle-même un grand intérêt, nous seront amenés à prendre en considération certains phénomènes sociaux qui sont en train de se produire, sans que personne y fasse grande attention, et qui, un jour ou l’autre, auront une influence énorme sur l’existence de la société.

Commençons par une question toute simple et d’intérêt purement psychologique.

Peut-on constater une relation quelconque entre l’intelligence d’un écolier et son développement corporel ? Beaucoup d’éducateurs, de philosophes, de médecins croient à l’existence de cette relation, qui s’exprime en langue vulgaire par l’aphorisme banal : mens sana in corpore sano. Mais si on consulte les résultats de mensurations précises qui ont été faites en divers pays, on s’aperçoit qu’il est bien difficile de connaître la vérité. Pour certains auteurs, les enfants les plus intelligents d’une classe ont le plus de vigueur physique, et ils le prouvent avec des chiffres et des statistiques. Pour les autres, ce sont, au contraire, les derniers élèves, les queues de classe, les cancres, qui montrent le plus beau développement physique, et cela s’atteste également avec des chiffres et des statistiques. Puis, viennent d’autres auteurs qui démontrent de la même manière que le rapport cherché entre l’intelligence et le développement physique n’existe pas. Devant ces contradictions, on s’étonne, on hésite, et finalement on devient sceptique, on se range de l’avis des derniers auteurs, et on conclut que décidément l’intelligence n’a rien à faire avec la force corporelle.

Mais, si on analyse de près tous ces travaux, en se rendant compte des méthodes employées, on s’explique assez bien leurs contradictions. Des auteurs, comme