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L’ENFANT À L’ÉCOLE

s’en mêle, elle est comme le flot, elle soulève, elle porte aux nues le procédé nouveau mais peu après la vague se retire, et ce qui paraît merveille tombe dans un profond oubli. Qu’est devenue la méthode Jacottot, et tant d’autres ?

La mesure du degré d’instruction donnerait à la pédagogie le contrôle qui lui manque, le contrôle sans lequel on ne peut pas voir clair, on ne se rend compte de rien, et on fait le même succès aux mauvaises méthodes qu’aux bonnes. Tout l’avenir de la pédagogie, comme science précise et vraiment utile, est suspendu à l’introduction de cette réforme.

Autre exemple d’application. À l’heure actuelle, l’esprit de nos contemporains n’incline guère vers la discipline ; les maîtres n’acceptent plus avec une déférence exagérée les observations de leurs supérieurs ; ils les discutent ; et on les y a presque encouragés, puisque les règlements nouveaux confèrent au maître le droit de prendre connaissance de l’appréciation qui a été inscrite dans son dossier par l’inspecteur. Si le maître n’accepte pas l’appréciation et la croit injuste, l’inspecteur sera probablement d’un avis opposé ; comment va-t-on apaiser le différend ? Comment savoir qui a raison, de l’inspecteur ou de son subordonné ? On ne peut plus admettre aujourd’hui que la supériorité hiérarchique soit un argument sans réplique. La valeur d’un maître se mesure, entre autres choses, par le profit que ses élèves trouvent dans sa classe. Le maître, auquel on refuse toute qualité pédagogique, peut répondre : « Voyez mes élèves ; rendez-vous compte de leur instruction, mesurez cette instruction, et si vous trouvez qu’elle est inférieure en degré à la moyenne obtenue dans des classes équivalentes, alors seulement j’accepterai votre blâme ». Le maître qui tiendrait un pareil langage aurait cent fois raison ; et on ne l’encourage pas à l’indiscipline en le poussant dans cette voie.