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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

Je veux, en terminant ce chapitre, exposer en quelques mots une expérience d’éducation morale qui vient d’être faite dans des écoles primaires de Paris. C’est plus qu’une expérience, ce sont plutôt des exercices pratiques de morale. Je crois la tentative nouvelle, et, comme elle a déjà eu un succès très encourageant, je pense qu’il est bon de la faire connaître, afin que d’autres la répètent, pour le plus grand bien des enfants. Nous allons parler encore une fois des classes d’anormaux ; car c’est à propos de l’organisation de ces classes que l’on a imaginé cette tentative. Tout l’honneur en revient à mon ami, M. l’inspecteur Belot.

Nous venions d’obtenir l’autorisation de créer dans une école primaire de Paris une classe d’essai pour petites filles anormales. Il y a de cela quatre ans déjà. Nous étions un peu indécis, presque inquiets ; on nous avait confié une mission importante ; nous ne voulions pas compromettre une si belle cause. Les adversaires des classes d’anormaux, — car il y a toujours des adversaires de ce qui est nouveau, — prétendaient que c’était dangereux de réunir dans une même école des enfants normaux et anormaux. Ces derniers, disaient-ils, étaient des enfants vicieux qui allaient corrompre l’élément sain. Ou bien, ce serait la guerre ; les normaux se moqueraient de leurs camarades, ils les tourneraient en dérision ; les parents s’en mêleraient, l’école serait bientôt considérée comme une école de fous ; elle serait décriée, désertée. Il fallait, répétait-on de tous côtés, établir entre ces deux populations d’élèves une cloison étanche, organiser des récréations dans des préaux différents, mettre les entrées et les sorties à des heures différentes ; autant aurait valu deux établissements distincts. Nous étions si bien impressionnés par ces craintes que nous choisîmes pour notre essai une école ayant la bonne fortune de posséder deux portes d’entrée ; il fut décidé