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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

crime, en leur disant, s’ils hésitent : « tu as donc peur ? tu n’es pas un homme ? » Remarquons encore que souvent ils tiennent un engagement, qu’ils ne dénoncent pas un complice, qu’ils ont leur manière d’honneur, et qu’on les a vus même faire des actes de générosité, par vantardise. C’est donc l’amour-propre qui les inspire presque constamment, et si le mot ne paraît pas trop fort, nous dirons que ces êtres qui passent pour amoraux ou immoraux ont bel et bien une morale, morale très spéciale, uniquement égoïste, mais dont un éducateur très intelligent et très avisé pourrait tirer parti, j’en ai la conviction profonde.

Avec ces natures-là, ce ne sont pas du tout les moyens répressifs, punitions ou réprimandes, qui réussissent ; ce sont les moyens excitateurs, l’éloge et surtout le type de « la mission de confiance ». Je n’en dis pas plus sur ce point, mais on devine le commentaire. Il faut transformer peu à peu la vanité en orgueil et en tirer le respect de soi.


Il n’y a pas seulement à tenir compte du caractère propre de l’enfant pour l’éduquer ; il faut encore tenir compte que cet enfant n’est pas isolé, qu’il est en classe et que la classe forme une société, qui a beaucoup des caractères de notre société d’adultes, beaucoup de ses défauts surtout, la confusion des mouvements, le désordre, la nervosité, le sentiment de son irresponsabilité et de sa force et tout ce qui en résulte de dangereux. Au caractère de l’enfant vient donc s’ajouter l’influence de la multitude. Cela complique le travail du maître. Il ne doit pas oublier en effet que la société enfantine est une union qui se fait contre lui ; ce qui le prouve, c’est que les enfants détestent la délation ; la délation est le grand crime sociologique du collège. Le maître doit s’appliquer à contenir, à diriger la force de ce groupement, d’autant plus