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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

témoignage de satisfaction. Mais ici bien des réserves sont à formuler ; il faut que l’éloge soit discret et bref, il faut qu’il soit mérité, qu’il soit proportionné au travail fourni, et que sa justice soit sentie et approuvée de toute la classe, et pleinement évidente ; il faut qu’il ne soit pas répété trop souvent, et qu’il soit plutôt un encouragement à faire encore mieux pour l’avenir que la constatation d’un progrès acquis. S’il est bon de soutenir l’élève, de montrer qu’on est content de lui, qu’on a confiance en lui, qu’on est sûr de ses progrès, en revanche, n’oublions pas que le compliment répété abusivement excite chez l’enfant un sentiment d’amour-propre, qui peut facilement dégénérer en vanité.

Et les mauvais élèves, dira-t-on, comment est-il possible de les faire profiter d’une action encourageante ? Le maître serait désarmé s’il lui fallait attendre que ses mauvais élèves eussent mérité des récompenses pour les leur donner ; et toujours punir ne vaut rien. Heureusement, on peut recourir à une autre méthode, qui à notre avis est infiniment préférable à tout ce que nous avons décrit jusqu’ici : c’est la mission de confiance. Méthode active par excellence ; l’élève est incité à agir d’une certaine manière, il apprend qu’on a confiance en lui, on le relève dans sa propre estime. Ainsi, le maître obligé de quitter la classe pendant deux minutes, fait monter en chaire un mauvais élève, et lui dit : « tu vas noter celui de tes camarades qui se sera le mieux tenu pendant mon absence ». Il est presque certain que l’élève, fier de cette mission, ne fera aucun passe-droit. Moins encore ; il suffit de lui confier la distribution des crayons et des cahiers pour lui faire un très grand plaisir, surtout si on a su attacher à cette fonction de l’importance. On a pu calmer de mauvaises têtes en leur donnant la charge de défendre des élèves plus jeunes. Une vraie brute s’est adoucie en s’occupant d’un petit infirme ;