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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

enfants qui nous paraissaient les plus distraits ; puis nous demandions aux maîtres de dresser, par leurs propres moyens, une liste analogue ; les deux listes, comparées, étaient presque identiques[1].

D’après l’opinion généralement répandue, les paresseux sont légion. La plupart des élèves, à entendre la plainte des maîtres, sont atteints de paresse. Or, une enquête très soigneuse, à laquelle j’ai déjà fait allusion, vient d’être entreprise à ma demande dans les écoles de Paris, sous la direction de M. l’Inspecteur Lacabe, afin de connaître le nombre des paresseux. Il s’agit bien entendu de paresse grave, portant atteinte aux études, et non des ces états passagers de relâchement, qui sont si fréquents. On a examiné soigneusement le cas des élèves qui dans le classement général occupent le dernier cinquième ; on espérait trouver là en abondance le type du paresseux ; et en effet, où le trouverait-on, si ce n’est dans les queues de classe ? En faisant cette analyse, on a été obligé d’éliminer tous ceux chez lesquels l’insuccès scolaire s’explique par une faiblesse physique ou par une infirmité d’intelligence ou de mémoire. Ces éliminations faites, le résidu représente le paresseux par caractère, celui dont la paresse s’explique par des causes morales. Or, ce résidu est d’une petitesse étonnante. Il n’est que de 2 % du contingent total. Que vaut ce chiffre ? Il n’a bien entendu qu’une valeur toute approximative. Il variera selon les milieux ; il sera plus faible dans telle école, plus fort dans telle autre ; il variera aussi suivant l’appréciation des maîtres, car la quantité d’efforts demandés à un élève n’est pas une quantité fixe, invariable, prédéterminée. Ce que l’un trouvera suffisant, un autre peut le considérer comme insuffisant et dérisoire. Les questions d’appré-

  1. Pour plus de détails, voir Année Psychologique, t. XIV, p. 177 (1908).