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LES APTITUDES

sophes éminents qui étaient incapables de se servir de leurs yeux et de leurs mains pour le moindre exercice d’observation ; et c’était sans doute à cause de leur infirmité qu’ils répugnaient tant à l’expérimentation, et en disaient tant de mal. J’ai vu un professeur de sciences à la Sorbonne qui était si peu littéraire qu’il n’a jamais pu apprendre l’orthographe ; son cours, extrêmement savant, mais obscur et désordonné, était du temps perdu pour la jeunesse qui l’écoutait. Chacun en recueillant ses souvenirs trouvera à faire rétrospectivement des observations analogues. La distinction que nous venons de proposer se vérifie facilement ; elle paraît pleine de justesse, évidente par elle-même ; mais elle ne paraît telle que lorsqu’on la connaît déjà. Pour ma part, il y a longtemps que j’ai remarqué ces faits ; mais c’est seulement d’hier que j’en comprends l’importance et voici à quelle occasion mes yeux se sont ouverts.

C’était au cours de recherches sur la mesure de l’intelligence. Ces recherches, on s’en souvient, se font au moyen de nombreux tests ; il y en a une soixantaine. Parmi ces tests, les uns portent sur la comparaison de sensations, le jugement de sensations, la mémoire de sensations, la classification de sensations, ou l’exécution rapide et soignée de mouvements et d’actes compliqués.

D’autres tests consistent à définir des mots, à retenir des chiffres, à mettre des mots en ordre, à comprendre des passages abstraits, à critiquer des pensées absurdes. Le contraste entre ces deux groupes d’épreuves est évident ; on peut appeler les premières des épreuves d’intelligence sensorielle, et les secondes des épreuves d’intelligence verbale. J’ignorais que la différence de ces deux groupes fût très importante, et je dois même avouer qu’en préparant tous ces tests avec le Dr  Simon, nous n’avions pas procédé avec l’idée directrice de séparer l’intelligence sensorielle de l’in-