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L’ENFANT À L’ÉCOLE

trop schématiques, d’après lesquelles l’instruction est un bien en soi, et la lecture vaut comme moralisation ; on comprend que l’instruction n’est qu’un moyen, un moyen dont on doit se servir pour rendre meilleure l’adaptation de l’individu à son milieu ; conséquemment, il n’y a point d’instruction qui par elle-même soit recommandable, comme une vérité unique ; l’instruction étant un moyen doit varier avec les personnes, les tempéraments, les milieux économiques auxquels l’individu disputera sa vie. Au lieu d’une sorte d’étude abstraite des programmes, on fera de plus en plus une étude d’ajustement, et on modifiera l’instruction en vue des buts bien déterminés qu’on veut atteindre.

Réduit à mes seules forces, j’ai essayé d’entreprendre en petit l’enquête que je préconise, et les résultats que j’ai recueillis m’ont démontré surtout que la question à résoudre est moins simple que je ne le croyais. Je me suis adressé à un instituteur de la campagne qui a exercé pendant vingt-cinq ans dans le même village et qui en connaît tous les habitants. Sur ma demande, cet instituteur, M. Limosin, a dressé la liste de cent anciens élèves, dont une moitié avait passé le certificat d’études et dont l’autre moitié n’avait pas passé cet examen ; il a recherché ce que ces élèves sont devenus depuis leur sortie de l’école et, suivant leur situation sociale et leur degré de réussite, il les a cotés de 1 a 10. L’adjoint de la commune a été appelé à coter aussi tous ces élèves, sans connaître le travail de l’instituteur, et leurs appréciations, quoique différant de temps en temps par un point ou deux, ont donné sensiblement les mêmes résultats d’ensemble. Les élèves pourvus du certificat d’études ont obtenu en moyenne la note 7, qui signifie que leur condition sociale est assez bonne, tandis que les autres élèves n’ont obtenu que la note 5, 3, qui signifie que leur condition sociale est médiocre ou s’élève à peine au passable.