Voici la description d’Armande, la cadette, faite le même jour et avec la même feuille :
(Durée : 8 minutes.)
« C’est une feuille de marronnier qui vient de tomber languissamment sous le vent de l’automne.
« La feuille est jaune, mais encore raide et droite, peut-être reste-t-il un peu de vigueur dans cette pauvre mourante !
« Quelques traces de sa couleur verte d’autrefois sont encore empreintes sur les feuilles, mais le jaune domine : une bordure brune et rougeâtre en orne le contour.
« Les sept feuilles sont toutes fort belles encore, la tige verdâtre ne s’en est point détachée.
« Pauvre feuille, maintenant destinée à voler sur les chemins puis à pourrir, entassée sur bien d’autres. Elle est morte aujourd’hui… et elle vivait hier ! Hier, suspendue à la branche, elle attendait le coup fatal qui devait l’enlever ; comme une personne mourante qui attend son dernier supplice.
« Mais la feuille ne sentait pas son danger, et elle est tombée doucement sur le sol. »
Armande, la sœur cadette, a écrit plus rapidement que sa sœur, elle a été moins inspirée par l’objet ; elle donne moins de détails matériels que Marguerite, et les détails qu’elle note sont subordonnés à une impression générale d’émotion, produite par l’idée que la feuille d’automne va mourir.
Des dizaines de descriptions d’objets, faites par les deux sœurs, ont toujours montré la même différence : du détail, de la précision, de l’observation chez Marguerite ; vague et poésie chez Armande. Inutile