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L’ENFANT À L’ÉCOLE

une loi naturelle du développement mental. Je me demande si chez beaucoup de maîtres il n’y a pas eu un arrêt de ce développement naturel.

Eux aussi n’ont-ils pas de l’école la conception d’un milieu qui se suffit à lui-même, et que les élèves sont faits pour l’école et non l’école pour les élèves ? Et les parents, qui tiennent tellement dans certains milieux à ce que leur progéniture passe le baccalauréat, parce que c’est un moyen de distinction sociale entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, ne cèdent-ils pas à la même illusion, ne pensent-ils pas que le diplôme a en soi une vertu mystérieuse ?

Il est vrai que quelques ironistes prennent de temps en temps le contre-pied de ces préjugés, en décriant l’importance des succès scolaires. À les entendre, ce sont les derniers au lycée qui arrivent les premiers dans la vie. On cite volontiers des exemples. Chacun connaît celui de Mérimée ; le romancier impeccable n’aurait été qu’un cancre. On en a dit autant de Darwin. Dernièrement, Maurice Donnay mettait toute sa verve malicieuse et charmante à célébrer les mérites de celui qui n’a été que le vingt-troisième. Mais a-t-il réellement le droit de se moquer de l’enseignement du lycée ? Il m’a raconté que sa vie scolaire se passa dans l’engourdissement d’un rêve, où il pensait à très peu de chose ; il se calomnie ; de son propre aveu, il a remporté deux prix au lycée, l’un de gymnastique, l’autre de catéchisme. N’est-ce pas admirable, et cela n’atteste-t-il pas un développement tout à fait harmonieux du corps et de l’âme ?

La vérité ne doit pas être cherchée dans un juste milieu entre ces deux opinions extrêmes, dont la dernière, qui consiste à dédaigner l’enseignement de l’école et ses classements, est purement fantaisiste, car elle ne s’appuie que sur des anecdotes. Ce que nous souhaitons, ce n’est pas à proprement parler un revirement d’opinion, c’est d’une part, qu’on parte de