sec. Le deuxième nombre frappe immédiatement l’attention, car il est une date historique, il fait penser à une révolution, à un changement de régime, on voit passer la tête en poire de Louis-Philippe, on a un vrai grouillement de souvenirs. Il est évident que si, quelque temps après, on me redemande ces deux nombres, je n’aurai aucune peine à répéter 1830, tandis que j’aurai peut-être complètement perdu le premier nombre. Considérons encore la différence qui existe, suivant qu’on veut retenir des mots isolés et dénués de sens par leur groupement, ou au contraire des mots réunis en une phrase qui a un sens. Des recherches anciennes, que j’avais faites avec V. Henri dans les écoles, nous avaient montré combien est faible la mémoire des mots isolés, qu’on cherche à écrire ou à répéter aussitôt après les avoir entendus. Si nous proposons à une classe d’élèves d’écrire de mémoire, après les avoir entendus une seule fois, les sept mots suivants :
on trouve que des enfants de huit à treize ans n’en
retiennent pas tout à fait cinq mots. C’est qu’il faut
faire un grand effort pour fixer le souvenir de ces
mots-là par le son ; au contraire, sentons avec quelle
aisance on retient une phrase comme celle-ci
Nous n’avons plus à retenir le son des mots, mais leur sens ; la phrase tout entière a de l’unité, et il n’est pas difficile de la retenir. Des calculs, un peu théoriques, je le reconnais, nous ont fait dire autrefois que la mémoire des idées est vingt-cinq fois plus puissante que la mémoire des sensations ; mais je ne tiens nullement à la précision de ce chiffre, et il suffira de se rappeler l’incomparable supériorité que présente la mémoire des idées, et par conséquent les