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LA MÉMOIRE


3o Le repos après la séance. La séance d’étude est terminée, que faut-il faire ? À la suite de tout effort de concentration, il est bon de se reposer, ou de faire un travail machinal ; car cette phase qui suit un travail actif n’est du repos que par l’apparence ; en réalité, à ce moment-là les souvenirs qu’on vient de fixer s’organisent, ils deviennent plus stables, ils entrent définitivement dans la mémoire, comme un liquide troublé qui dépose. On ne s’en doute pas, car ce travail se fait dans l’inconscient. Si pendant qu’il a lieu se produisait une vive émotion ou un choc, une grosse fatigue, l’organisation des souvenirs serait compromise. C’est ce qui explique, — comme un auteur américain, Burnham[1], l’a suggéré le premier, — ces phénomènes si curieux d’amnésie rétroactive qui se produisent à la suite d’une chute sur la tête, ou d’un traumatisme analogue. La victime, en reprenant ses sens, se rappelle ce qui s’est passé les jours précédents ; mais elle a oublié comment l’accident s’est produit, et même ce qui s’est passé quelques heures avant. Un officier qui vient de tomber de cheval ne se rappelle plus la visite qu’il a faite une heure avant sa chute. Nous expliquons cela en supposant que les souvenirs correspondant aux faits récents n’étaient pas encore organisés, quand le choc traumatique est venu les détruire. Il est donc essentiel, nous le répétons, de veiller à ce que la fixation des souvenirs soit suivie d’une période de repos. C’est par suite d’un manquement à cette règle que le bourrage auquel trop d’élèves se livrent avant certains examens généraux produit des effets si pernicieux sur la mémoire.

Allons plus loin ; si, après avoir exercé sa mémoire

  1. Burnham. Retroactive Amnesia, American Journal of Psychology, juillet-octobre 1903, p. 118. Sur cette période d’organisation, bien d’autres auteurs ont insisté. Citons Lewy, Müller et Pilzecker ; voir aussi Ebbinghaus, Grundzüge der Psychologie, vol. I, 1902, p. 651.