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LA MÉMOIRE

peut être tantôt une conséquence d’autres faits mentaux, comme l’attention et l’intérêt, tantôt au contraire un fait primitif, un fait qui psychologiquement est inexplicable, et doit tenir à quelque structure inconnue des centres nerveux.

2o Nous venons de voir une pluralité de mémoires qui dépend d’une pluralité d’objets différents sur lesquels la mémoire s’exerce. Nous allons maintenant décrire une pluralité de mémoires qui dépend d’une pluralité d’images. Il est remarquable en effet que, pour un même genre de faits ou d’idées ou d’objets à se rappeler, nous pouvons employer, cumulativement ou alternativement, plusieurs moyens différents ; ce sont comme autant de chemins qui conduisent au même but, comme autant d’instruments qui permettent de faire le même travail.

Considérons d’abord qu’étant doués de langage, nous savons exprimer en mots tout ce que nous ressentons ; la parole est un premier duplicata de tous nos phénomènes psychologiques. Si je regarde un paysage, j’ai la perception par la vue, et par d’autres sensations que la vue évoque, de tous les détails de forme, de couleur, de position des objets que je regarde ; outre cette perception sensorielle, qui résulte d’un contact avec la nature, je puis prendre conscience de ce même paysage, en m’en faisant une description verbale attentive ; et lorsque je me trouverai loin de l’endroit que j’ai regardé, je suis capable de m’en souvenir sous ces deux formes : la forme sensorielle, où mes sensations perçues revivent dans un tableau intérieur : « je crois voir, dirai-je à la manière des romanciers, c’est comme si j’y étais encore » ; et la forme verbale, la description en mots, par une parole que je prononcerai effectivement, ou qui retentira dans mon audition intérieure, et que j’écouterai. Prenons un autre exemple, celui des mouvements et des gestes qui composent une danse nouvelle. Cette danse,