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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

fausse ; un enseignement ne doit pas être approprié uniquement aux aptitudes de chacun, car nous ne sommes pas seuls au monde ; nous vivons dans un temps, dans un milieu, parmi des individus et une nature auxquels nous sommes obligés de nous adapter ; l’adaptation est la loi souveraine de la vie. L’instruction et l’éducation, qui ont pour but de faciliter cette adaptation, doivent nécessairement tenir compte à la fois de ces deux données : le milieu avec ses exigences, l’être humain avec ses ressources.

Il peut arriver que ces deux données s’harmonisent mal, et qu’on soit obligé à un compromis ; la question n’est pas simple. Quelques enfants, par exemple, — ce sont à la vérité des anormaux, — ont beaucoup de peine pour apprendre à lire ; c’est un supplice pour eux ; leurs tendances d’esprit les attireraient dans un domaine tout différent ; et si on ne consultait que leur psychologie, on leur apprendrait plutôt à manier le marteau que le syllabaire. Ce serait faire peut-être de la bonne psychologie, ce serait faire aussi de la bien mauvaise sociologie. Dans notre société moderne, où le nombre des illettrés devient infime, la lecture et l’écriture jouent un rôle si important, surtout dans les grandes agglomérations, que l’illettré s’y trouve dans un état grave d’infériorité ; il faut donc imposer aux arriérés, toutes les fois que c’est possible, l’effort de l’apprentissage de la lecture, en raison du milieu où ils doivent vivre.

Quelques pédagogues et psychologues se sont préoccupés, dans ces derniers temps, de l’importance des aptitudes individuelles ; et, par suite d’une réaction violente contre la routine actuelle, quelques-uns des plus zélés sont allés jusqu’à demander ou à poser comme idéal « l’école sur mesure ». C’est une école dont l’enseignement serait individualisé au point qu’on tiendrait compte de la personnalité physique, intellectuelle et morale de chaque élève. Si on en de-