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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

test de mémoire n’a de signification que si on y recourt trois fois au minimum.

Pour pouvoir éclairer ce qui précède par un exemple précis, j’ai fait apprendre des vers pendant dix minutes dans une classe de cours supérieur à Paris ; selon les règles que j’ai indiquées, les élèves devaient reproduire de mémoire par écrit ce qu’ils se rappelaient, aussitôt que les dix minutes étaient écoulées. On ramassa ensuite les copies, sans rien dire. Huit jours après, on recommençait l’expérience, avec une autre pièce de vers. Cinq jours après, nouvelle épreuve ; quatre jours après, quatrième et dernière épreuve. Les pièces de vers employées étaient : La lune, de Stop ; La chute d’un gland, de Viennet ; Les deux savetiers, de Jauffret ; L’enfant et les bottes de son père, de Lachambeaudie. On s’était assuré qu’aucun élève ne connaissait ces poésies. Chacun reçut un livre où la poésie était imprimée. Les exercices terminés, on releva le nombre total de vers absolument exacts qui avaient été reproduits par élève. Le nombre moyen de vers appris n’était pas grand, car les enfants avaient appris les vers comme si c’était de la prose, et la plupart des vers étaient faux. Ce serait à croire qu’on ne leur a jamais donné aucune idée de la mesure. Si on ne l’a pas fait, c’est un tort ; pourquoi les laisser étrangers à ce qui est une des beautés du vers ? D’autant plus que la notion du rythme est un puissant secours pour la mémoire. Mais passons. Un premier coup d’œil jeté sur les copies montre que les différences individuelles, comme capacité de mémoire, sont énormes ; un enfant a reproduit le nombre extraordinairement élevé de cinquante-quatre vers de mémoire, tandis que plusieurs autres n’en ont reproduit que dix ; et même un des élèves n’en a reproduit que quatre.

Recommençons maintenant l’épreuve, après avoir laissé écouler huit jours d’oubli à partir de la dernière