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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

il pas absolument certain que le goût de la dialectique vide, l’ergotage et l’abus des raisonnements et des idées a priori sont favorisés par ce verbalisme que l’Université fait de son mieux pour propager ?

Devenus étudiants, les élèves gardent le pli qu’ils ont acquis au collège. Si un étudiant a le choix entre une heure de cours et une heure de travaux pratiques, il préfère résolument aller s’asseoir au cours ; si, à la fin d’un cours, on fait appel à ceux qui veulent apprendre à manier un appareil, ou étudier une préparation, on les embarrasse ; la plupart, ayant écrit leurs petites notes, ne demandent qu’à s’en aller, et si on insiste, on les voit qui s’éparpillent comme un cercle de badauds devant la sébile du jongleur qui fait la quête. Aux plus intelligents on a beaucoup de peine à faire comprendre que ce qui s’entend dans un cours se retrouve, même avec une forme meilleure, dans le livre, tandis que la leçon du laboratoire ne se remplace jamais.

Que demandons-nous donc comme réforme, et de quelle manière pensons-nous qu’on doit faire la guerre au verbalisme ?

Certes, nous n’irons pas jusqu’à cet excès de défendre au maître l’usage de la parole. Mais sa parole ne doit pas être l’essentiel, la substance de la leçon ; elle ne doit être qu’un accompagnement, un guide, une aide. L’esprit de l’élève doit être mis directement en contact avec la nature, ou avec des schémas, des images, reproduisant la nature, ou plutôt avec les deux choses à la fois, nature et schéma, et la parole ne doit intervenir que pour commenter l’impression sensorielle. Surtout, il faut que l’élève soit actif. Un enseignement est mauvais s’il laisse l’élève immobile et inerte ; il faut que l’enseignement soit une chaîne de réflexes intelligents, partant du maître, allant à l’élève, et revenant au maître ; il faut que l’enseignement soit