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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

une grande surprise. Je me rappelle que lorsque les députés, au moment où l’on vota la loi sur les anormaux, vinrent visiter nos classes, ils assistèrent à cet exercice quelques-uns, intrigués, demandèrent à faire eux-mêmes l’expérience ; et ils réussirent beaucoup moins bien que nos petits anormaux. De là étonnement, rires, moqueries des collègues, et tous les commentaires qu’on peut imaginer. Être député et se montrer au-dessous d’un petit anormal ! En réalité, malgré le piquant de l’aventure, tout s’explique. Nos députés ne tenaient pas compte de l’entraînement intensif que nos élèves avaient subi.

De l’avis de tous, ces exercices sont excellents ; ils favorisent non pas une faculté en particulier, mais tout un ensemble ; ils facilitent la discipline, apprennent aux enfants à mieux regarder le tableau noir, à mieux écouter, à mieux retenir, à mieux juger ; il y a de l’amour-propre en jeu, de l’émulation, de la persévérance, le désir de réussir et toutes les sensations excellentes qui accompagnent l’action ; et surtout on apprend ainsi à vouloir, à vouloir avec plus d’intensité ; vouloir, c’est bien la clef de toute l’éducation ; et l’éducation morale se fait par conséquent en même temps que l’éducation intellectuelle. Mais ce n’est pas tout encore ; et je crois qu’en étudiant avec quelque persévérance ces modestes exercices imaginés pour donner un peu de ton à de pauvres anormaux, on s’apercevra que la méthode, dont ces exercices sont inspirés, n’est point une méthode spéciale pour quelques inattentifs, débiles et abouliques, c’est une méthode qui conviendrait à tous les normaux ; je dirai même, plus ambitieusement c’est la méthode unique de tout enseignement. Mais sur ce point, il faut bien s’expliquer et éviter toute équivoque.


Ce qu’on a surtout reproché aux vieilles méthodes universitaires, qui, bravant les critiques les plus justes,