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BUT DE CE LIVRE

c’en était un — comme le plus intelligent de quarante enfants !

Je citerai un autre exemple de la tendance des maîtres à ne pas tenir compte des facultés de leurs élèves ; c’est un exemple très simple, très facile à comprendre, et on s’étonnera peut-être qu’une pareille erreur puisse être commise. Beaucoup d’écoliers ont une faiblesse de la vue et de l’audition, et ils profitent mal, on le comprend, d’un enseignement qu’ils ne perçoivent pas. J’ai fait avec le Dr Simon une enquête dans les écoles de Paris ; j’ai examiné un grand nombre d’enfants, au point de vue vision, j’en ai trouvé plusieurs, plus de 5%, qui avaient une vision défectueuse. Le croirait-on ? Dans la plupart des cas, les maîtres ne se doutaient de rien ; l’enfant était placé trop loin de la chaire ou du tableau noir, pour entendre et pour voir ; mais comme d’ordinaire les enfants ne se plaignent pas, le maître n’avait pas songé un seul instant à les rapprocher de lui et de son tableau. J’ai pu intervenir utilement, et, grâce au bienveillant appui de M. Liard, obtenir des maîtres du primaire, dans toute l’académie de Paris, qu’ils fassent annuellement un examen pédagogique de la vision.

Je terminerai par un autre exemple, relatif à la psychologie de ce qu’on peut appeler les « queues de classes ». Il y a dans toute classe nombreuse un certain nombre de cancres qui sont invariablement les derniers dans les compositions, et qui ne profitent pour ainsi dire jamais de l’enseignement donné en classe ; ils y restent aussi étrangers que les mendiants qui vont l’hiver se chauffer dans notre musée du Louvre restent indifférents à la beauté des Rembrandt. Rien n’est plus intéressant que de connaître la psychologie de ces cancres ; il faut les examiner l’un après l’autre, savoir pour quelle raison ils occupent ce rang inférieur, si c’est par défaut d’intelligence ou de