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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

la moindre goutte d’eau dans la soucoupe, et c’était fort difficile, car la distance était longue et les gamelles étaient pleines jusqu’au bord puis, on a imaginé des exercices compliqués avec des bouchons. Tout cela est bien peu scolaire, dira-t-on ; et peut-être un père mal averti, qui n’envoie son fils à l’école que pour lui faire apprendre l’orthographe et le calcul, serait-il surpris de constater qu’à certains moments on le fait jouer à la statue, et qu’un autre jour, on le fait jouer au bouchon. Ne plaisantons pas ; et derrière l’apparence, qu’il est souvent nécessaire de rendre intéressante, gaie et même comique, devinons la réalité. La réalité, c’est que ces jeux ne sont pas autre chose que des leçons de volonté ; leçons modestes, appropriées aux capacités de l’enfant, mais qui bien réellement mettent la volonté en exercice ; car il en faut pour maintenir une attitude prolongée, le regard fixe, la main étendue sans trembler ; si on n’avait pas de volonté, on céderait à la moindre sensation de fatigue et d’ennui, on cesserait d’être immobile. De même, faire un effort vigoureux de pression au dynamomètre est pénible ; plus on serre, plus on se fait mal à la paume de la main ; mais aussi, plus on serre, plus on amène un chiffre élevé. Et ainsi de suite pour les autres exercices. Donner des leçons de volonté, apprendre l’effort, enseigner le dédain d’une petite souffrance physique, le plaisir de la maitrise de soi, c’est bien une instruction qui vaut une leçon d’histoire et de calcul !

Nous étions en trop bonne voie pour nous arrêter. Le hasard nous avait suggéré une nouvelle méthode ; nous avons cherché à l’étendre, à la perfectionner, et nous avons fait un plan général d’orthopédie mentale, embrassant toutes les facultés de l’esprit. Nous rappelant d’anciennes prouesses dont parlait Robert Houdin, nous avons voulu que nos élèves apprissent à percevoir rapidement un grand nombre d’objets, rien