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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS


III

l’éducation de l’intelligence


Après le mal, le remède ; après la constatation des défaillances intellectuelles de toutes sortes, passons au traitement. Nous supposons, pour poser la difficulté dans toute son ampleur, que nous avons découvert avec certitude chez un de nos élèves une incapacité désolante à comprendre ce qui se dit en classe ; l’enfant ne peut ni bien comprendre, ni bien juger, ni bien imaginer ; si ce n’est pas un anormal, il est tout de même en retard scolaire très accentué. Que faire de lui ? Que faire pour lui ?

Si on ne fait rien, si on n’intervient pas activement et utilement, il va continuer à perdre son temps, et, constatant la vanité de ses efforts, il finira par se décourager. L’affaire est très grave pour lui, et comme il ne s’agit pas ici d’un cas exceptionnel, mais que les enfants qui ont une compréhension défectueuse sont légion, on peut bien dire que la question est grave pour nous tous, pour la société ; l’enfant qui perd en classe le goût du travail risque fort de ne pas l’acquérir au sortir de l’école.

J’ai constaté souvent, et avec bien des regrets, qu’il existe une prévention fréquente contre l’éducabilité de l’intelligence. Le proverbe familier qui dit : « Quand on est bête, c’est pour longtemps » semble être pris au pied de la lettre par des maîtres sans critique ; ceux-ci se désintéressent des élèves qui manquent d’intelligence ; ils n’ont pour eux ni sympathie ni même de respect, car leur intempérance de langage leur fait tenir devant ces enfants des propos tels que celui-ci : « C’est un enfant qui ne fera jamais rien… il est mal doué… il n’est pas intelligent du tout. » J’ai entendu trop souvent de ces paroles imprudentes. On