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L’INTELLIGENCE

Les premières épreuves ont été faites dans des crèches auprès des berceaux, et nous opérions avec des sonnettes, des biscuits et des bonbons. Le premier éveil de l’intelligence consiste à suivre du regard un objet, par exemple une allumette enflammée qu’on déplace ; puis, c’est l’attention au son ; on fait tinter une sonnette derrière la tête de l’enfant, et il se retourne. La préhension d’un objet qu’on lui présente a lieu déjà, à neuf mois ; un peu plus tard, il sait distinguer entre un morceau de bois et un morceau de chocolat, et porte de préférence ce dernier à sa bouche. Les premiers mots spontanés commencent vers dix-huit mois et deux ans. C’est à deux ans, et même un peu plus tôt, que la marche se fait sans aide, et que le langage est suffisamment compris pour que l’enfant puisse exécuter une commission élémentaire, comme d’aller chercher une balle.

Avec l’âge de trois ans commencent des expériences d’école maternelle. Là aussi, il fallut prendre bien des précautions, non seulement pour ne pas effrayer les bambins, mais surtout pour les décider à nous parler ; le mutisme est la forme habituelle de la timidité des petits ; ils ne sont pas seulement timides ; quelques-uns ont déjà un caractère rétif ; il y en eut plusieurs qui ne voulurent pas ouvrir la bouche devant nous ; ils n’étaient pas muets, pourtant, ils étaient même, à l’occasion, nous disaient les maîtresses, assez bavards.

Les expériences de la Maternelle sont assez simples ; elles consistent d’abord à provoquer des répétitions de chiffres ou de mots. On dit à l’enfant trois chiffres, par exemple, comme 2…, 8…, 7… et il doit répéter exactement. Sur l’ordre, il montre les parties les plus apparentes de son visage, ou bien il commence à nommer des objets très élémentaires qu’on lui présente. Cela est déjà plus compliqué, car le développement de la parole suppose à la fois qu’on comprend la parole d’autrui et qu’on trouve les mots de sa propre