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L’INTELLIGENCE

et inégales ; à peu de mémoire peut s’associer beaucoup de jugement ; et celui qui a fait preuve d’un remarquable pouvoir de fixation, dans un test de mémoire, peut être un sot remarquable ; nous en avons rencontré des exemples. Nos tests mentaux, toujours spéciaux dans leur portée, conviennent chacun à l’analyse d’une seule faculté, ils ne peuvent pas faire connaître la totalité d’une intelligence. Or, c’est surtout par cette totalité qu’un individu donne sa valeur. Nous sommes un faisceau de tendances ; et c’est la résultante de toutes ces tendances qui s’exprime dans nos actes et fait que notre existence est ce qu’elle est. C’est donc cette totalité qu’il faut savoir apprécier.

J’ai proposé dernièrement, avec le Dr  Simon, une théorie synthétique du fonctionnement de l’esprit ; qu’il sera certainement utile de résumer ici, car elle montrera nettement que l’esprit est un, malgré la multiplicité de ses facultés, qu’il possède une fonction essentielle à laquelle toutes les autres sont subordonnées et on comprendra mieux, après avoir vu cette théorie, quelles sont les conditions que les tests doivent remplir pour saisir toute l’intelligence[1].

À notre avis, l’intelligence, considérée indépendamment des phénomènes de sensibilité, d’émotion et de volonté, est avant tout une faculté de connaissance, qui est dirigée vers le monde extérieur, et qui travaille à le reconstruire en entier, au moyen des petits fragments qui nous en sont donnés. Ce que nous en percevons est l’élément a, et tout le travail si compliqué de notre intelligence consiste à souder à

  1. Pour les détails, voir Binet et Simon : L’intelligence des imbéciles, Année Psychologique, XV, p. 1, et une nouvelle théorie de la démence, ibid. Les travaux étrangers relatifs à cette même question sont dus à Acht, Watt, Bühler, Marbe, Messer, Dürr, etc. Voir le compte rendu de Larguier, dans Année Psychologique, XIII, p. 497.