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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

l’enseignement, il perdra son temps. Ce qu’il y aurait à souhaiter de mieux, c’est que l’audition de la parole fût parallèle à l’audition de quelque son simple, dont l’intensité serait mesurable. On ferait porter l’examen sur ce son simple, et on en déduirait une conclusion sur l’état de perception de la parole. Malheureusement, il n’en est pas ainsi pour l’audition de la montre. Un enfant peut mal entendre la parole et bien entendre la montre, et vice versa.

Nous nous en sommes convaincus en faisant deux classements d’élèves : le premier prenait comme base la manière dont les enfants entendent la montre ; le second utilisait la manière dont ces mêmes sujets entendent la parole à longue distance. Pour opérer ce dernier classement, nous avons réuni dix-sept élèves dans un préau, à dix mètres de leur professeur, qui prononça quarante mots ; les élèves écrivaient tout ce qu’ils pouvaient entendre de ces mots, et on les classa d’après les erreurs qu’ils avaient commises. Or, en comparant l’ordre de l’audition pour la montre avec l’ordre d’audition pour les mots, on s’aperçut qu’il n’y avait pour ainsi dire aucune corrélation.

Nous n’en conclurons pas que le procédé de la montre doit être rejeté. Peut-être, dans les cas de surdité accentuée, peut-il rendre des services. Quant à la parole du maître, il est difficile d’y voir un étalon. La voix humaine est une fonction physiologique d’une instabilité extraordinaire. Aucun élément n’est fixe, ni l’intensité, ni la hauteur, ni les articulations. Deux personnes ne prononcent pas de même manière, ni avec la même force, ni avec la même hauteur, ni avec le même timbre ; et une même personne varie ses procédés vocaux d’un moment à l’autre, sans s’en douter. Nous l’avons vu nous-même ; le professeur à qui nous avions fait prononcer quarante mots dans le préau reprit l’expérience quelques minutes après devant d’autres élèves, et il ne s’aperçut pas que la seconde fois il donnait