Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
DE PIERRE DE RONSARD

toutes[1]. Il apprit en peu de temps la langue Alemande, ayant l’esprit capable de toutes disciplines *, qu’il façonna beaucoup en la compaignie d’un si sçavant personnage, que les plus doctes d’Alemaigne recherchoient, non tant pour le rang qu’il tenoit, que pour sa doctrine singuliere. Apres ce voyage il en fit un autre en Piemont, avec ce grand Capitaine de Langey, pour faire service au Roy en la profession où le flot des affai | res du temps, et non l’inclination de [7] sa nature, le poussoit[2] *. S’estant puis apres retiré à la Court, il luy avint un mal-heur, s’il faut appeler de ce nom ce qui fut cause[3] d’un si grand bien. C’est que[4] pendant qu’il estoit en Alemaigne, il fut contraint de boire des vins tels qu’on les trouve, la plus grand part souffrez et mixtionnez : qui fut cause[5] avec les tourmentes de mer[6], les incommoditez des chemins, et autres peines de la guerre, qu’il avoit souffertes, que plusieurs humeurs grossieres luy monterent au cerveau, tellement qu’elles luy causerent une defluxion, et puis une fievre tierce[7] dont il devint sourdault, maladie qui luy a continué jusques à la mort *. Ainsi en advint à ce divin Homere[8] *, qui sur la fin de ses voyages, s’estant embarqué[9] avec le marinier Mentes[10], pour apprendre les diverses façons des peuples, et la nature des choses, ayant abordé[11] l’Isle d’Itaque eut un catherre[12] sur les yeux qui luy fit perdre la veüe estant arrivé à Colophone. Voila comment[13] deux grans Poëtes, par un presque semblable

  1. C En ce voyage, et sous un si grand personnage, bien que la jeunesse soit tousjours esloignée de toute studieuse occupation pour les plaisirs volontaires qui la maistrisent, si est-ce que dés son enfance ayant tousjours estimé l’estude des bonnes lettres, l’heureuse felicité de la vie, et sans laquelle on doit desesperer de pouvoir jamais attaindre au comble du parfait contentement *, il  1 commença à pratiquer avec jugement, outre l’exercice de la vertu, les mœurs et façons estrangeres, et à observer curieusement les choses plus remarquables.

    1. On lit en réalité contentement : Il et cette faute s’est encore aggravée dans les éd. suiv. qui donnent contentement. Il | 1623 contentement ; Il

  2. ABC nature le poussoit.
  3. ABC de ce nom, ce qui fut cause
  4. C d’un plus grand bien, c’est que
  5. A mixtionnez, qui fut cause
  6. B mixtionnez : Occasion, avec les tourmentes de mer | C même var., avec un point apres mixtionnez [1604-1630 tourmens de mer]
  7. C une defluxion, puis une fiévre tierce
  8. B jusques à la mort, et qui a semblé avoir esté fatale à nos Poëtes, comme à du Bellay, à nostre Dorat et autres : ainsi que la perte de la veuë aux excellens Poëtes Grecs, Thamire, Tiresie, Stesichore, comme pareillement au divin Homere | C même var., avec une virg. après autres, deux points après Stesichore, et l’orthog. Tyresie
  9. C Homere, qui s’estant embarqué
  10. A le marinier, Mentes
  11. C apres avoir abordé
  12. BC receut un catharre
  13. C comme