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INTRODUCTION

l’auteur de sa biographie, et se vanter à tout venant de relations avec Ronsard qui étaient bien plus récentes et moins familières que ne l’avaient été les siennes. Non seulement il n’y a pas trace de rapports intimes entre Pasquier et Binet après 1585, ni dans les Lettres ni ailleurs[1], mais le nom de Binet n’est même pas prononcé dans les Recherches, et on y trouve au contraire une allusion transparente à Binet vantard et « regratteur » de textes[2].

Quant à Jamin, bien qu’il vécût encore en 1592[3], il ne semble pas avoir beaucoup renseigné Binet (probablement pour une raison analogue à celle de Pasquier, car ses souvenirs devaient être abondants, en particulier sur les années où il fut le secrétaire de Ronsard, c’est-à-dire de 1565 à 1574 environ, et ce sont précisément les années sur lesquelles Binet est le plus à court d’arguments et passe le plus vite, du moins dans ses deux premières rédactions. On est d’abord porté à croire que Binet tenait directement de Jamin ce qu’il dit des séjours préférés de Ronsard, de son goût de la solitude et du jardinage ; mais les œuvres mêmes de Ronsard et de Jamin contenaient à ce sujet des documents assez complets pour que Binet pût s’en contenter ; et c’est ce qu’il paraît avoir fait[4]. Tout au plus peut-on penser que Binet a recueilli de la bouche de Jamin, pour sa troisième rédaction, l’anecdote sur Philibert Delorme fermant à Ronsard l’entrée des Tuileries, et celle du diamant offert au poète par la reine Élisabeth d’Angleterre[5].

Il est possible que, sur Ronsard et les huguenots, Binet ait consulté pour sa troisième rédaction Florent Chrestien, qui avait été l’un des adversaires de Ronsard au fort de la querelle, puis s’était réconcilié avec lui, et d’ailleurs était en bons termes avec Binet[6]. Ce qui me porte à le

  1. Pasquier a répondu très sèchement à l’appel de Binet pour le « tombeau » de Ronsard ; on ne trouve dans l’édition princeps du Tombeau, et dans ses rééditions, que trois distiques latins de Pasquier, dont les deux premiers ont été écrits quatre ans avant la mort de Ronsard (d’après les Recherches, VII, chap. xi), et le troisième est simplement suivi de sa traduction française (cf. le Ronsard de Blanchemain, VIII, 252). De son côté Binet n’a pas nommé Pasquier en 1586 parmi les poètes estimés de Ronsard. Il ne l’a mentionné que dans la 2e et la 3e édition.
  2. « J’entens qu’il y a quelqu’un (que je ne veux nommer qui veut regratter sur ses œuvres [c. à d. les œuvres de Ronsard] quand on les réimprimera. S’il est ainsi, ô misérable condition de nostre Poëte ! d’estre maintenant exposé sous la jurisdiction de celuy qui s’estimoit bien honoré de se frotter à sa robe quand il vivoit. » (Fin du chap. vi du livre VII, qui était primitivement le livre VI et fut publié en 1596)
  3. Toutes les biographies générales le font mourir « vers 1585 ». Son testament est pourtant daté du 15 mai 1591. D’après Charles Brunet, il mourut soit à la fin de 1592, soit au commencement de 1593. Cf. Œuvres choisies d’A. Jamyn, éd. Blanchemain (Paris, Willem, 1878, 2 vol.), Introduction.
  4. Voir ci-après, notamment pp. 228 et 229.
  5. Pour le cadeau de Marie Stuart, fait en 1583, Binet a pu le voir de ses propres yeux, comme il fut à même de voir au Louvre la plaque de marbre dont il a reproduit l’inscription dans son troisième texte. V. ci-après, p. 22, ligne 40, et p. 28, ligne 47.
  6. V. ci-après, Commentaire, pp. 153 et 213. Le recueil des Plaisirs de la vie rustique et solitaire, 1583) se termine par un sonnet À Monsieur Binet, signé I. Chrestien P. — Dans une ode latine de Paulus Melissus de février 1586, Binet figure parmi les amis de Fl. Chrestien (Bl., VIII, 269).