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INTRODUCTION

sagacissime) quod ad calend. Februarii jamjam Turonihus reversus nobis detulisti. Utinam digna summi illius viri memoria, cujus nomine jussu tuo suscepta est, digna sempiterna vestra amicitia, digna hujus pompae celebritate quam supra multorum opinionem, totius Galliae applausu et admiratione paras... In multis autem (d’ailleurs sur beaucoup de points) breviorem me fecit Claudii Bineti tibi, omnibusqne melioris notae viris, intimi solertia et sedulitas : hujus enim industria et studio Gallici poetae vita, et in eumdcm Galliae totius elogia posteris in tuo nomine jamjam apparebunt. Vale, Lutetiae, in tuis aedibus Becodianis. 7 cal. Martii 1586[1]. »

Un tiers seulement de la triple publication projetée par Galland et Binet fut prêt le 24 février. Seuls les Derniers vers parurent ce jour-là et purent être distribués aux plus qualifiés des assistants[2]. Mais le Tombeau et la Vie de Ronsard étaient déjà en grande partie sous presse ou sur le marbre ; nous pouvons du moins le conjecturer d’après ce passage de la dédicace des Derniers vers : « Si la diligence des ouvriers l’eust permis, le papier tant honoré du beau nom de Ronsard eust tesmoigné son dueil, et accompagné voz regretz de la noire teinture des vers des plus choisis personages de notre France, que j’ay prié de ce devoir, et des principaux points du cours de sa vie que nous avons dressé, non pour illustrer sa memoire davantage, ains pour n’obscurcir la nostre, si nous faisions autrement. Mais le temps, maistre de noz actions, ne l’a sceu permettre pour ce jour. Seulement il nous a permis de vous presenter les derniers enfans de sa Muse, conceus au lict de la mort, et comme naissans de son tombeau. » Toutefois il est vraisemblable que le lendemain même des obsèques Binet retoucha la biographie qu’il avait écrite, mettant à profit quelques passages des oraisons funèbres prononcées devant lui par Du Perron et par les élèves de J. Velliard et de G. Critton, professeurs à Boncourt[3] ; et il est certain qu’il y inséra seulement alors le récit des obsèques, qui, cela va de soi, n’avait pu y trouver place plus tôt.

Du reste, Binet fut expéditif, et les « ouvriers » aussi. Ils le furent même trop. Les deux autres publications annoncées par lui le jour des obsèques parurent chez G. Buon avec une deuxième édition des Derniers

  1. 23 février, veille des obsèques. Ces dernières lignes, très importantes, nous montrent que Cl. Binet était lié assez intimement avec Jean Galland, et que c’est sous les auspices de Galland, peut-être même à son instigation (in tuo nomine qu’il entreprit et la biographie et le « tombeau » de Ronsard. La préface de l’édition princeps des Derniers vers n’est pas moins probante à cet égard : Binet et Galland y apparaissent comme agissant tout à fait de concert, et si Binet y dit en parlant de la collaboration au Tombeau : « ... les plus choisis personages de notre France, que j’ay prié de ce devoir », il ajoute : « les principaux points du cours de sa vie que nous avons dressé... le temps seulement nous a permis de vous présenter les derniers enfans de sa Muse... ». Une dernière preuve de leur entente : cette édition princeps des Derniers vers, préfacée par Binet, a pour épilogue une pièce de vers latins intitulée Piis amici Ronsardi manibus et signée Jo. Gallandius (cinq distiques qui reparurent dans le Tombeau).
  2. Paris, G. Buon, in-4o de 7 ff. (Bibl. Mazarine, n° 10849).
  3. V. ci-après mon Commentaire, p. 193, aux mots « à sa memoire » et « de tous costez ». Cf. pp. 53-54, 69, 73, 75-76, 83-84, 95, 96, 115, 183, 208, etc.