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COMMENTAIRE HISTORIQUE

2° le texte C de la Vie de Ronsard que nous commentons.

Grevin devait savoir à quoi s’en tenir sur ce point, ayant vécu dans la familiarité de Ronsard trois ans au moins, de 1558 à 1561 ; mais les termes d’un pamphlet sont toujours sujets à caution. Quant à Binet, ou il s’est fondé uniquement sur le texte de Grevin, ou il s’est renseigné auprès de Jamin lui-même, qui vivait encore en 1591. Peut-être aussi a-t-il spontanément conclu que Jamin avait été le « page » de Ronsard, en relisant l’élégie Couvre mon chef de pavots et le poème de la Salade, adressés à Jamin en août 1569 (du moins c’est la date de leur publication) dans les Sixiesme et Septiesme livres des Poëmes. Mais dans aucune des éditions qu’il pouvait consulter ces pièces ne portaient l’en-tête « A Amadis Jamyn son page », qu’on trouve dans l’éd. Blanchemain (IV, 394 ; VI, 87). Jamais Ronsard n’a ainsi qualifié Jamin, pas même dans la première pièce qu’il lui dédia, le Chant des Serenes, publiée dans l’édition collective d’avril 1567 (Bl., I, 224)[1]. C’est seulement à partir de l’édition posthume de 1617 qu’on trouve cette mention en tête de certaines pièces « A Amadis Jamyn son page ». C’est une addition de l’éditeur N. Buon, ou du commentateur Cl. Garnier, faite d’après le texte C de Binet ; et c’est sur cette addition, ainsi que sur le texte C de Binet, que Colletet s’est fondé pour affirmer dans sa Vie d’Amadis Jamin qu’il avait été « page » de Ronsard.

On sait d’autre part que Jamin fut le « secrétaire » de Ronsard, de 1565 à 1573 environ. Discretus vir, magister, clericus lingonensis diocesis, Jamin céda à Ronsard le prieuré de Croixval en mars 1566 (Froger, Rons. eccl., pp. 35 et 63). Il figure dans un acte d’avril 1568 comme « secretaire du prieur de St-Cosme » (Ibid., pp. 35 et 39). L’examen de ses œuvres, surtout de celles qui sont disséminées dans les publications faites par Ronsard de 1569 à 1572, nous a prouvé qu’il resta près de lui ces années-là comme « secretaire », jusqu’au jour où Ronsard obtint pour lui de Charles IX la charge de « Secretaire et Lecteur ordinaire de la chambre du Roy » (dans le courant de 1573 ou au début de 1574).

Cf. mes articles de la Rev. d’Hist. litt. de janvier 1906, et des Annales Fléchoises de septembre 1906, sur Ronsard et Jamin et sur les pièces qu’ils composèrent l’un pour l’autre ou s’adressèrent mutuellement ; ma thèse sur Ronsard p. lyr., Index.

P. 43, l. 12. — Poëte tragique. Pour l’opinion de Ronsard sur Robert Garnier, voir le sonnet Je suis ravi quand ce brave sonneur, qui parut en tête de la tragédie de Porcic (1568) ; le sonnet Il me souvient, Garnier, qui parut en tête de l’Hippolyte (1573) ; le sonnet Le vieil cothurne d’Euripide, qui parut en tête de la Cornélie (1574) ; le sonnet Quel son masle et hardy, qui parut en tête de la Troade (1579). On trouve ces quatre sonnets réunis dans l’éd. Blanchemain, V, pp. 353 à 355. — De son côté, Rob. Garnier a écrit à la louange de Ronsard le sonnet Tu gravois dans le ciel, et une longue pièce élégiaque d’un beau rythme pour son « tombeau » (Bl., I, 140 ; VIII, 243). Cf. II. Chardon, Robert

  1. L’odelette de 1554, Ha si l’or pouvait allonger (Bl., II, 288), ne fut dédiée à Jamin qu’en 1578.