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COMMENTAIRE HISTORIQUE

dans son traité de la Deutschen Poeterei (1624), mais encore a imité Ronsard de très près en maintes pièces. Voir l’Introduction des œuvres choisies d’Opitz, par Jules Tittmann (Leipzig, 1869), et la belle édition des œuvres de Weckherlin, publiée par Hermann Fischer (Tubingen, 1894), tome I, pp. 108 à 186, et II, p. 508. Parmi les études consacrées à ce sujet, cf. Richard Beckherrn, Martin Opitz, P. Ronsard et D. Heinsius (Königsberg, 1888).

Dans les Flandres et la Hollande, l’influence de Ronsard ne fut pas moindre. Elle commença même plus tôt qu’en Allemagne, peut-être par l’intermédiaire du célèbre imprimeur d’Anvers, Christophe Plantin, qui, d’après son biographe, aurait édité dès 1556 les Amours et le deuxième Bocage de Ronsard[1] ; sans doute aussi, grâce à des poètes humanistes, tels que Charles Utenhove de Gand, Jean Dousa le père, premier curateur de l’Université de Leyde, qui avaient vécu dans la familiarité de Dorat et de ses élèves, ou encore Joseph Scaliger, un autre admirateur de Ronsard, qui enseigna à Leyde. — Sur Jean Van Hout, initiateur de la Hollande aux principes de la Pléiade, voir un article de J. Prinsen dans la Rev. de la Renaissance de juin 1907.

Quant à la pénétration de l’œuvre de Ronsard en Pologne et « jusques à Danzich », elle fut singulièrement facilitée par les relations politiques qui s’établirent entre la France et la Pologne de 1572 à 1574. Rappelons que c’est Jean de Monluc, un ami de Ronsard, qui, après avoir déployé des trésors d’éloquence à la diète de Varsovie, finit par obtenir la succession au trône des Jagellons pour Henri de Valois, duc d’Anjou ; que Ronsard collabora au gala des Tuileries, d’août 1573, organisé en l’honneur des ambassadeurs polonais, éblouis de tant de faste ; que, parmi les Français qui accompagnèrent Henri de Valois en Pologne, se trouvaient de nombreux admirateurs et amis de Ronsard, entre autres Pibrac, Desportes, Du Gast, et que l’un d’eux, Guy du Faur de Pibrac, auquel Ronsard adressa à Cracovie l’ode des Estoilles, était chancelier du nouveau roi de Pologne et émerveilla par son éloquence les lettrés de ce royaume lointain. (V. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 242 à 244, 250 et 251, et Appendice, pièce justif. III.)

P. 43, l. 8. — Tyard. Ronsard a nommé Tyard pour la première fois dans le sonnet des Amours de 1552 : Pour celebrer des astres devestus (Bl., I, 50). En 1553, dans la 2e éd. des Amours il lui adressa le sonnet, très élogieux, De tes Erreurs l’erreur industrieuse (Ibid., 424). La même année il le comptait parmi les compagnons des Isles Fortunées (VI, 173), et il en faisait encore l’éloge dans l’Elegie à J. de la Peruse (Id., 44). Enfin en 1555, en tête de la Continuation des Amours, il lui adressa le sonnet Tyard chacun disoit à mon commencement (I, 147), que Binet rappelle plus haut.

De son côté, Tyard n’a pas loué Ronsard avant son second recueil de vers, la Continuation des Erreurs amoureuses (Lyon, 1551). C’est dans le sonnet Je n’atten point, où il l’appelle un « autre Terpandre », et dans le Chant en faveur de quelques excellens poetes de ce temps, où il

  1. Roosès, Christophe Plantin (Anvers, 1890), p. 35. (Bibl. Nat. Ln27, 355 38 A.)