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ET CRITIQUE

Satires morales, littéraires et politiques (d’ailleurs plus d’éloquence que d’esprit proprement dit, comme Juvénal, d’Aubigné, V. Hugo). Il ne l’a pourtant point fait, et cet honneur revient à deux de ses disciples, Vauquelin et Regnier. Mais son œuvre est pleine de pages satiriques en vers alexandrins ou décasyllabiques à rimes plates, contre les abus et les ridicules de son époque et de tous les temps. Ces pages, détachées de leur ensemble, pourraient former une anthologie dont les morceaux paraîtraient provenir d’un recueil de Satires. Voir, entre autres, les Isles Fortunées (début), l’Elegie à son livre (page contre les femmes) ; l’Elégie à Chr de Choiseul (début, contre les méchants poètes) l’épître à Odet de Coligny, L’homme ne peut sçavoir (contre les flatteurs de Cour) ; l’Elegie à L’Huillier (page contre les intrigants sans valeur) ; la Complainte contre Fortune ; l’Elégie à Rob. de la Haye ; le Proces ; la Complainte à la Royne mere ; la Promesse ; les Nuës ou Nouvelles ; les Estrennes à Henry III ; le Discours à H. de Cheverny, pièces écrites et publiées à des dates diverses, de 1553 à 1584 (Bl., I, 143 ; III, 284-86, 354-56, 375 et suiv., 401, 421 et suiv. ; IV, 291 ; VI, 156, 170, 193, 201, 246, 257).

Rappelons, enfin, que deux pièces satiriques, écrites, l’une vers 1572 (A Moreau, trésorier de l’Espargne), l’autre à la fin de 1584 (Caprice à Simon Nicolas), ne parurent que plusieurs années après la mort de Ronsard, la première dans l’éd. coll. de 1604, la seconde dans celle de 1609 (Bl., VI, 265 et 326). Une troisième satire, écrite en 1580 (Sur une médaille d’Antinoüs), n’a été publiée qu’au xixe siècle (Bl., VIII, 109 ; M.-L., VI, 411).

P. 41, l. 23. — ceste derniere main, c’est à dire cette dernière édition, celle de 1587, élaborée par Ronsard en 1584 et 1585.

P. 41, l. 24. — de l’honneur. Binet a démarqué ici sans le dire cette courte préface que Ronsard écrivit pour la seconde édition de sa Franciade (début de 1573) et supprima en 1578 :

« J’ay, Lecteur, à la façon d’Apelle, exposé mon ouvrage au public, afin d’entendre le jugement et l’arrest d’un chacun, qu’aussi volontairement je reçoy, que je le pense estre candidement prononcé. Et ne suis point si opiniastre, que je ne vueille au premier admonnestement d’un homme docte, non passionné, et bien versé en la poësie, recevoir toute amiable correction : car ce n’est pas vice de s’amender, mais c’est extreme malice de persister en son peché. Pour ce, par le conseil de mes plus doctes amis j’ay changé, mué, abregé, alongé beaucoup de lieux en ma Franciade pour la rendre plus parfaicte et luy donner sa derniere main. Et voudrois de toute affection que nos François daignassent faire le semblable, nous ne verrions tant d’ouvrages avortez, lesquels, pour n’oser endurer la lime et parfaicte polissure, n’aportent que des-honneur à l’ouvrier, et à nostre France une mauvaise reputation. » (Dernier vol. de l’éd. coll. de 1573. — Bibl. Nat.. Rés., pYe 355, fo Aij.)

Cette préface remplaçait à elle seule celle de la première édition de la Franciade, où se lisait déjà cette déclaration : « Or, Lecteur, .... je te dy qu’il ne se treuve point de livre parfaict, et moins le mien, auquel je pourray selon la longueur de ma vie, le jugement et la syncere opi-