Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xviii
INTRODUCTION

Non seulement cet opuscule a valu à Binet l’honneur d’être mentionné dans l’Art poëtique de Vauquelin parmi nos meilleurs poètes pastoraux[1], mais il montre que ses rapports avec Ronsard étaient alors intimes. On y trouve, en effet, deux pièces dédiées à Ronsard, qui ne laissent aucun doute à ce sujet :

1° Un sonnet, dont voici l’essentiel :

Gentil oiseau divin, petit ange des bois,
Rossignol, que ma main a sevré dans la cage,
.................
S’il est ainsi, mignon, que le premier tu sois
Hautain sur tout oiseau variant son ramage.
Va t’en trouver Ronsard, le premier de nostre aage,
Ronsard, le rossignol du Parnasse François.
................
Ravy de ses douceurs, je desire luy faire
De mon cœur pur et net un aggreable don ;

2° Une idylle, intitulée la Truite, dont voici le début :

Entre les plus grans biens dont je veu rendre grace
Aux Muses et aux Dieux, celuy-là qui surpasse,
Et qui rend dessur tout mes esprits plus contens,
C’est d’avoir esté né en France de ton temps.
Ronsard, pare de France, ô la premiere source
Et de ceux qui à gré d’une honorable course
Ont part à ton honneur, et de ceux qui viendront
Pour en vain esparer tel honneur sur leur front... ;


après quoi Binet se félicite d’aimer mieux les plaisirs de la campagne que les vanités de la Cour, et se demande à qui il doit son goût de la simple nature :

C’est à toy, mon Ronsard, dont la divine grace
Des vers non imitable est en France un Parnasse :
Par toy mon jugement j’ay sceu rendre meilleur
Pour priser toute chose à sa juste valeur.

Vers la même époque Binet fréquente chez les magistrats Jean et Jacques de la Guesle, originaires d’Auvergne ; il y rencontre les avocats-poètes auvergnats Gilles Durant et Jean Bonnefons, les deux inséparables, qu’il avait connus au Palais dès 1579[2] ; il est choisi comme substitut au parquet par Jacques de la Guesle, qui avait succédé à son père dans la charge de Procureur général du roi en janvier 1583[3]. Il corres-

  1. Livre III, vers 253. Edition G. Pellissier, p. 140. Binet y est cité avec Pibrac, dont le poème sur les Plaisirs de la vie rustique remonte à 1576 et reparut en 1583 également chez la Ve Lucas Breyer.
  2. Cf. la Pancharis J. Bonefonii, et les Imitations du latin de Jean Bonnefons, avec autres Gayetez amoureuses de l’invention de l’autheur, par G. Durant, sr de la Bergerie. Paris, Abel l’Angelier, 1587, in-12 (le privil. est du 9 janvier) On trouve dans la Pancharis une pièce en distiques latins Ad Cl. Binetum. En outre, Durant adresse deux odes A Cl. Binet (une imitation et une invention), et Binet une pièce en hendécasyllabes latins Ad Janum Bonefium, qui avait paru pour la première fois en 1579 à la suite des Petronii Epigrammata.
  3. Cf. Blanchard, Les Presidents au mortier du Parlement de Paris (1647), p. 301, et la fin de l’épitre de Sainte-Marthe Ad Cl. Binetum, citée deux notes plus loin.