Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
COMMENTAIRE HISTORIQUE

« Crois-val, une de ses maisons où il se plaisoit le plus, il s’estoit retiré là pour vaquer tant à la vie rustique qu’à l’entretenement de ses fantasies. Comme il s’adonnoit à divers exercices, une fievre le print apres avoir mangé d’un cocombre. Cette fievre fut tierce, de tierce elle devint quotidienne et de cotidienne (sic) elle devint continue : tellement qu’estant affoibli par la fievre et saisi de douleur par tous les membres, il commença à redouter la mort. Et s’asseura de mourir, car il se trouva fort saisi du costé, si bien qu’il ne pouvoit avoir son alleine qu’à grand peine. Il n’avoit rien si sain que l’esprit, comme il monstra le lendemain qui estoit ung Dimanche : environ les huict heures dudict Dimanche, apres qu’il eust pris un boillon, il dicta et fit escrire les vers qui s’ensuyvent. Le suget desquels, comme je croy, il avoit premedité, avant qu’il fut malade. »

Suit une ode de sept huitains, intitulée « Vers chrestiens, faits par Monsieur Ronsard sis heures auparavant sa mort » ; puis, en prose, les dernières paroles du poète à ses amis ; puis deux épitaphes en forme de sonnets ; quatre vers sur la Franciade ; enfin le privilège du Roy.

J’ai réédité la plaquette entière dans les Annales Fléch., n° de mai-juin 1908.

P. 36, l. 25. — Ferrier. Arnauld ou Arnoul Ferrier, jurisconsulte, magistrat, diplomate, homme d’Etat, né à Toulouse en 1508, mort en 1585. Professeur de Droit à Bourges, puis à Toulouse ; conseiller au Parlement de Paris ; ambassadeur au Concile de Trente, puis à Venise ; enfin chancelier de Henri de Navarre. Cf. Sc. de S. Marthe, Elogia ; E. Frémy, Un ambassadeur libéral sous Charles IX et Henri III, Paris, 1880, in-8.

P. 36, l. 33. — cest Empire. C’est le n° cxv des Quatrains du Sgr de Pybrac. Il a paru dès 1575 dans la Continuation des Quatrains (Paris, Fed. Morel). Cf. la réédition de 1874, par J. Claretie, pp. 98 et 158. — Mais ce n’est pas le recueil de Pibrac qui suggéra à Binet l’idée de citer ce quatrain en B. L’idée lui en vint à la lecture d’un sonnet qui avait été inséré dans l’édition princeps du Tombeau de Ronsard. Il suffit pour s’en convaincre de lire ce sonnet et de remarquer qu’il contient l’addition de B relative à Arnauld Ferrier ; on n’hésitera plus à le prendre pour une source de Binet, quand on saura qu’il n’existe que dans l’édition princeps du Tombeau et que Binet le fit disparaître de la réédition après en avoir fait passer la substance dans la Vie de Ronsard. Voici ce sonnet, extrait de la p. 123 du Tombeau :

Pybrac a bien dit vray que lors que Dieu retire
D’entre nous coup à coup les hommes vertueux,
C’est un signe certain d’orage impetueux
Qui doit faire trembler tost apres un Empire.
Il n’estoit presque mort, par maniere de dire,
Que, De Foix le suivant au tombeau luctueux
Avecques Du Ferrier, un temps tempestueux
N’ayt broüillé cet Estat de feu, de sang et d’ire.
Tout depuis nous n’avons, helas ! oüy parler
Sinon de remu’ments bastans pour esbranler
La France vers sa fin, si Dieu ne la contemple :
Mais j’en suis hors d’espoir, puis que semblablement
Ce grand Ronsard est mort, Ronsard qui fut le Temple
Des Vertus, et qui fut des François l’ornement.
I. Lenglez, Secretaire de feu Monseigneur.