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ET CRITIQUE

Pour celebrer des astres devestus
L’heur escoulé dans celle qui me lime (Bl., I, 50),


remplaçant le douzième vers de l’édition princeps :

Et me faudroit un Desaultelz encore...


par celui-ci :

Et me faudroit un Saingelais encore...[1]


Mais cette deuxième hypothèse n’en reste pas moins insuffisamment étayée, vu que le sonnet de Saint-Gelais n’est adressé à Cl. Marot dans aucune édition antérieure à celle de 1719, et que Blanchemain déclare lui-même ne pas savoir où l’éditeur Coustelier l’a pris (éd. de Ronsard, VIII, 24, note).

Il se pourrait donc que Saint-Gelais eût écrit le sonnet D’un seul malheur... en 1553, tout entier à la louange de Ronsard, et que seul l’éditeur du xviiie siècle fût responsable du changement d’adresse et de la variante du 3e vers.

P. 21, l. 18. — mer Egée. Sur cette ode A Melin de Saint Gelais, qui parut en appendice de la 2e édition des Amours (1553), v. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 108 à 110 et p. 402. Comme je l’écrivais déjà dans la Rev. d’Hist. litt. d’avril 1905, p. 247 : « C’est à cette ode que Ronsard fait allusion dans une lettre qu’il adressa vers la fin de décembre 1552 à son ami et protecteur Jean de Morel : « L’ode de Sainct Gelays est faite et ne veux la lui faire tenir sans vous l’avoir premierement communiquée. » Cf. A. Rochambeau, Rech. sur la famille de R., p. 185. Michel de L’Hospital et Jean de Morel désiraient vivement la réconcilation de Ronsard et de Saint-Gelais, et c’est à leurs instances que céda notre poète en écrivant cette ode ; cf. Rev. d’Hist. litt., de juillet 1899, art. de P. de Nolhac, pp. 353-55. »

Voici le rang qu’elle occupe dans les éditions collectives du xvie siècle : elle est la 31e du quatrième livre en 1560, la 30e en 1567, 1571, 1572, la 28e en 1578, la 25e en 1584, la 21e dans les éd. posthumes ; nouvelle preuve que, pour la rédaction de A, Binet a consulté la dernière édition publiée du vivant de Ronsard.

Sur la querelle de Saint-Gelais et de Ronsard, sur les personnages qui intervinrent en faveur de notre poète, et sur son ode de réconciliation, voici ce que dit Velliard, qui ne paraît guère mieux renseigné que Binet : « Petrus Ronsardus... iniit gratiam non ita quidem ab omnibus, quin inter aulicos conflaverit sibi ingentem invidiae molem. Quemadmodum enim lippi clarum solis lumen ferre nequeunt, ita tanti ingenii splendore multis oculi doluere. Vix certe vir gravissimus procellas invidiae devitasset sine præsidio et auctoritate illustrissimi principis Caroli Cardinalis a Lotaringia, Mich. Hospitalii paulo post Galliae cancellarii, Carnavalaei [2] et Urbani Mallei. At ut crescit

  1. Sur cette variante Blanchemain (VII, 351) et Mlle Evers (p. 161) se sont trompés. Hartwig au contraire a raison (Ronsard-Studien, I, 49-50).
  2. Le nom de Carnavalet ne figure que dans la 2e édition de la Laudatio funebris, publiée comme la première en 1586 (Bibl. Nat., Ln27 17840).