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COMMENTAIRE HISTORIQUE

illusion en pensant qu’il imita Pindare dès 1545 (thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 55 à 59).

Après tout, il est possible que Ronsard ait traduit de l’Euripide en latin et imité du Pindare en vers français sans savoir de grec, si, comme il est probable, Dorat lui en faisait d’abord une traduction en prose française ; il est également possible que Ronsard n’ait sérieusement travaillé la langue grecque (vocabulaire, morphologie et syntaxe) qu’au collège de Coqueret, et que l’« émulation » ne lui soit pas venue du temps qu’il suivait en amateur les leçons particulières de Dorat. Cela mettrait tout le monde d’accord. — Voir ci-après, p. 96, aux mots « par la Grecque ».

P. 11, l. 24. — que seize. L’un de ces chiffres est inexact (20 ans passés pour Ronsard, 16 ans pour A. de Baïf), quelle que soit la date que l’on adopte pour la naissance de Ronsard (septembre 1524, 1525 ou 1526). En effet toutes les indications que nous donne A. de Baïf sur son âge se correspondent parfaitement, et il en ressort qu’il naquit en février 1532[1]. Il y avait donc entre Ronsard et A de Baïf une différence maxima de sept ans et cinq mois, une différence minima de cinq ans et cinq mois. — En outre, d’après l’âge de 16 ans que Binet donne ici à Baïf, il ne serait entré à Coqueret qu’en février 1548 au plus tôt. Or cela est contredit par ce que Binet lui-même avance plus loin : « En cette contention d’honneur Ronsard demeura cinq ans avec Dorat », et par un texte de Baïf qui fixe à 1550 le terme de leur séjour à Coqueret. (V. ci-après, p. 98 aux mots « avec Dorat »).

Il semble donc que le chiffre inexact soit le chiffre seize, et qu’on doive y voir une faute d’impression pour treize. Mais alors on peut s’étonner qu’il ait été conservé dans le deuxième et le troisième texte de Binet, sans que Baïf le lui fît rectifier. Et le problème semble insoluble, à moins de faire naître Ronsard en septembre 1526, d’admettre que Dorat ne fut nommé principal de Coqueret qu’à la fin de 1547 et de forcer les chiffres de Binet, en donnant 21 ans passés à Ronsard et moins de 16 ans à Baïf ; c’est ce qu’a fait Joly (Rem. crit. sur le Dict. de Bayle, art. Daurat), mais il a tort de dater la naissance de Baïf de 1531, et sa solution est loin de nous satisfaire (V. ci dessus, p. 91 à 93, aux mots « se loger avec luy »).

P. 11, l. 39. — des Grecs et Latins. Baïf s’est en effet glorifié de cette invention dans une ode A son livre, qui sert d’épilogue à ses Poëmes :

Dy que cherchant d’orner la France
Je prin de Courvile acointance,
Maistre de l’art de bien chanter :
Qui me fit, pour l’art de Musique
Reformer à la mode antique,
Les vers mesurez inventer.
(édit. Marty-Laveaux, II, 461).

  1. Il dit par exemple qu’il venait de « muer les dents » en 1540, quand il entra chez Tusan ; qu’il avait 15 ans l’année de la mort de son père, en 1547 ; 20 ans et 9 mois quand il achevait son volume des Amours de Meline, publié en décembre 1552 ; 22 ans quand il connut Francine à Poitiers, en 1554 ; 40 ans en février de l’année du massacre de la Saint-Barthélémy (éd. Marty-Laveaux, I, 26 et 96 ; II, 202, 203, 460).