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COMMENTAIRE HISTORIQUE

hominibus Gallicum Orpheum ut olim Graecis suum dedisse. » (Laudatio fun., p. 4). C’est là, peut-être, que Binet a pris le rapprochement de Ronsard et d’Orphée (qu’on trouve d’ailleurs au début de l’Hymne de France, Bl., V, 283). Mais où a-t-il pris que le capitaine venu au service de Philippe VI s’appelait Baudouin ?

L’authenticité de cette origine paternelle de Ronsard est très suspecte et a été fort contestée. Bayle, après avoir cité le témoignage de Binet, ajoute : « Je croi que nous pouvons mettre tout cela au nombre de tant de chimères, que la plupart des Maisons nobles racontent de leurs premiers fondateurs. Elles aiment passionnément à se dire issues des pays les plus éloignez et de quelque cadet de noble race, brave avanturier dont les beaux exploits meritèrent cent récompenses du Prince qu’il vint servir. S’il n’y avoit que trois ou quatre familles qui contassent de telles choses, on n’aurait pas tant de panchant à s’en moquer. Au reste l’Auteur que je cite n’a fait que traduire en prose ce que Ronsard avoit raconté de son extraction dans l’une de ses Elegies. Du Perron fit ce même Conte, mais au lieu de la Bulgarie, il mit la Moravie. » (Dictionn., article Ronsard, note A)

Il est certain que les généalogies dressées au xvie siècle étaient le plus souvent fantaisistes. Le Laboureur en a fait une juste critique à propos de Fr. de La Rochefoucauld, de Fr d’Agoult, de René de Sanzay, et de quelques autres (Add. aux Mém. de Castelnau, I, 767-68 ; II, 471 et 515 de l’éd. de Bruxelles). Il a écrit notamment au sujet de la généalogie des Sanzay, publiée en 1560 et admirée précisément de Ronsard (cf. Bl., III, 389) : « En ce temps là on n’avoit point la méthode de dresser des Généalogies sur les Titres ; on se contentoit de traditions et de contes de vieilles pour suppléer au défaut de la mémoire ; à peine savoit-on son grand père par les règles, et au dessus de cela on recevoit pour veritable tout ce qu’il plaisoit à certains faux antiquaires et veritables visionnaires tels que Jean le Maire de Belges, l’auteur du roman du Chevalier du Cygne, composé en faveur de la Maison de Cleves, Forcatel jurisconsulte, auteur du Montmorency Gaulois, frere Etienne de Lusignan, grand imposteur, et Jean le Feron, lequel je n’accuserai que de legere créance, et qui presta son nom comme Roy d’armes à plusieurs généalogies faites à plaisir. » (II, 296.)

Au xixe siècle nombre de biographes ont admis, à la suite de Sainte-Beuve, l’origine bas-danubienne de Ronsard. On a même accepté comme une vérité incontestable l’existence du Baudouin de Ronsart, dont le prénom n’apparaît que dans Binet (copié par Colletet) et pourrait bien être de son invention. Blanchemain enfin a cru, sur la foi d’un écrivain roumain, que cet ancêtre était un bano hongrois, du nom de Marucini, qui en se fixant en France aurait traduit littéralement son titre et son nom de famille, changeant bano en marquis et Marucini (Ronces ou Roncière) en Ronsart (A. Ubicini, Introd. aux Chants popul. de la Roumanie recueillis par Alexandri, Paris, Dentu, 1855 ; Bl., IV, 297, et VIII, 2).

Mais la critique de Bayle a été vigoureusement reprise en 1874 par un numismate d’Orléans, A. Chabouillet : « On paraît disposé, dit-il,