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aime le raisonnement abstrait et le comprenne facilement. Autre chose est l’image mentale appauvrie par défaut de mémoire et formant passage à l’imagination, autre chose est l’aptitude au maniement des idées abstraites. Du reste nous examinerons plus loin si les idées que nous avons décrites chez Armande sous le nom d’idées abstraites ne sont pas tout simplement des idées embryonnaires.


Résumé de la classification précédente, sous la forme de coefficients.

Le parallèle que nous venons de faire entre les deux sœurs a montré combien il existe d’opposition entre leurs natures ; Armande a une idéation plus rapide que Marguerite, et aussi plus abondante, puisqu’elle sent moins le besoin de chercher des inspirations dans le monde extérieur. Son attention est moins bien fixée sur le sens des mots qu’elle écrit, elle prend une conscience moindre du sens de ces mots, et elle est moins capable d’en donner une explication. Ses images de souvenir sont beaucoup moins abondantes, ce sont surtout les souvenirs récents qui sont pauvrement représentés ; mais, en revanche, il y a chez elle un développement considérable d’images générales et abstraites, et, de temps en temps, apparaissent des images entièrement fictives.

Ces différences, je voudrais leur donner une forme plus précise, en employant le procédé des coefficients, qui m’a déjà servi à exprimer les degrés inégaux de suggestibilité qu’on rencontre chez les différentes personnes[1]. Ce procédé est applicable à l’idéation, sous des réserves que j’ai déjà indiquées ailleurs ; je les résume ici, en disant que le chiffre n’est qu’une étiquette, un symbole brutal, et ne saurait dispenser d’une analyse approfondie, ni d’une interprétation, toujours délicate.

  1. Suggestibilité, p. 103.