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d’imagination. Elle a continué à se représenter cette partie du bois, et elle a pensé qu’il y avait des aubépines, ce qui, dit-elle, est tout à fait faux.

Voiture. — A vu une voiture renversée, près d’un pont, à Paris ; il y avait beaucoup de monde autour.

Elle se rend compte que c’est imaginaire.

Route, soleil. — A pensé à une route imaginaire, qui montait sous un soleil brûlant ; c’était une route en plein champ, et il n’y avait pas d’ombre.

Bouquet. — A pensé à un bouquet de fleurs ou de fruits suspendu à un arbre, dans un petit sentier à Meudon. Le bouquet est imaginaire, le cadre est fourni par le souvenir.

Toutes ces descriptions n’ont point été données d’un jet, mais arrachées mot à mot par mes questions. Le seul caractère propre à ces images, caractère tout subjectif, c’est que le sujet est persuadé que l’image est irréelle, ne correspond point à un souvenir.

Parfois, la fiction est si peu développée qu’on hésite sur sa nature et qu’on se demande si ce n’est pas tout simplement une abstraction. La distinction avec le souvenir ne m’a jamais présenté de difficulté, car mes deux sujets ont été constamment très affirmatifs, pour localiser et dater les souvenirs mais la distinction avec l’abstraction est au contraire très difficile, et souvent arbitraire. Exemple : Armande écrit peluche, et elle s’est représenté un fauteuil de peluche bleue, qu’elle n’a jamais vu ; c’est bien une image fictive, puisque le fauteuil est inventé ; c’eût été une image abstraite, si Armande s’était représenté de la peluche comme étoffe, sans rien y ajouter, sans préciser aucun détail de forme.

Chez Marguerite, jamais, dans aucun cas, il ne s’est produit d’image fictive ; et je crois du reste que cette pénurie d’images fictives dans l’expérience de recherche des mots est la règle commune ; Marguerite, à ce point de vue, se rapproche de l’ensemble des autres personnes sur