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J’ai fait l’épreuve un grand nombre de fois sur Armande et Marguerite ; je leur donnais à apprendre des vers ; elles devaient en apprendre le plus grand nombre possible, en un temps qui était indiqué d’avance, et qui était soit de 10 minutes, soit de 5 minutes seulement. C’était moi-même qui mesurais le temps d’étude et qui donnais le signal du commencement et de la fin. Mes sujets étaient toujours pris chacun à part, et isolés dans une chambre bien tranquille ; je ne leur parlais pas, et j’évitais même de les regarder pendant l’étude, de peur de les troubler ; je notais leur attitude, j’appréciais leur degré apparent d’attention, en un mot j’essayais d’établir une observation complète. Quand le temps était écoulé, chaque enfant écrivait de mémoire tout ce qu’il se rappelait. J’évitais par là l’émotion si fréquente de la récitation orale.

Les expériences sur la mémoire ne font point partie de la psychologie amusante ; elles rebutent les meilleurs courages ; aussi, dans mes recherches sur mes fillettes, me suis-je appliqué à espacer les épreuves, autant que possible ; celles dont je pourrais rendre compte s’espacent sur une année entière. Il me paraît inutile de les reproduire toutes, à cause de leur conformité. Dans toutes, sans aucune exception, le nombre de vers que Marguerite apprenait par cœur, et écrivait exactement de mémoire, a été supérieur au nombre de vers appris par Armande ; la différence a été constamment très grande, égale à peu près à la différence du simple au double. Naturellement, c’était le même morceau de vers que les deux jeunes filles apprenaient par cœur, et ce morceau était choisi de manière à ne pas présenter une difficulté spéciale de sens. Les morceaux ont été empruntés le plus souvent à des tragédies de Racine. La reproduction des passages que les deux sœurs apprenaient par cœur était faite pratiquement sans faute ; par conséquent, nous n’avons pas à faire des calculs sur les erreurs, dont l’appréciation est tou-