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écrit tout ce qu’elles auraient eu dans l’esprit. Je ne sais pas si cette expérience pourrait devenir intéressante, grâce à quelque modification heureuse ; telle qu’elle est, je regrette de dire qu’elle ne m’a rien donné, quoique j’aie eu la constance de la répéter six fois, à différents jours, sur chacun de mes sujets. Je me suis aperçu qu’on ne donne pas à une personne la consigne de penser avec naturel. Cette recommandation a fait l’effet d’une obsession, et mes deux jeunes filles se sont demandé très souvent à quoi elles feraient bien de penser, et si la pensée qu’elles suivaient était bonne ou non. Ajoutons que, pendant cette recherche faite par les jeunes filles, elles étaient extrêmement sensibles aux bruits extérieurs qui sont inévitables dans une maison habitée ; elles écoutaient ces bruits, se rendaient compte des causes qui les produisaient et ce travail banal occupait la plus grande partie de leur pensée. Ajoutons encore la préoccupation de l’heure qui s’écoulait, et un peu d’énervement produit parfois par l’occlusion des yeux, et nous aurons cité à peu près tous les phénomènes de conscience que mes deux sujets m’ont décrits. Ce qui est important pour nous, c’est que les descriptions d’Armande, la cadette, ne diffèrent point nettement de celles de Marguerite ; du moins, je ne saisis point les différences si elles existent ; il y a eu seulement chez la dernière une préoccupation plus fréquente de sa personne. Sur les 6 essais, il y en a 5 où je trouve une réflexion personnelle, sur son âge, sa chevelure, les traits de son visage, etc. Je prends au hasard une description de chacune des deux sœurs. Le temps pendant lequel elles devaient rester immobiles les yeux fermés a été de deux minutes.

Notes écrites par Armande aussitôt après avoir ouvert les
yeux (c’est sa première expérience).

D’abord je ne pensais à rien, sinon que les minutes s’écoulaient et que je devais penser à quelque chose, puis j’ai entendu L… (la