Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

assez curieuse : la position de la maison par rapport à la rivière pendant le jugement et celle des personnages par rapport à la rivière pendant l’exécution étaient contradictoires ; il me semblait que les personnages avaient dû traverser la rivière dans l’intervalle. J’ai relu le passage sans en tirer aucun éclaircissement ; deux explications sont possibles ; ou bien j’ai eu en lisant un vertige de direction, comme j’en ai parfois dans la vie réelle. Ou, plus simplement, comme j’ai lu deux fois le roman, j’ai eu deux représentations différentes qui se sont brouillées. »

L’exemple précédent, auquel je pourrais en ajouter bien d’autres, mais ce n’est pas nécessaire, montre bien l’importance de ces constructions d’images relatives à la position des objets. Je dis : images. Il s’agit bien en effet de choses vues, d’images visuelles, et non de langage intérieur. Il peut donc se produire en nous, sans que nous y prêtions grande attention, beaucoup de développements imaginatifs et c’est là tout simplement ce que je voulais démontrer.


CONCLUSIONS ET HYPOTHÈSES


Dire que l’image mentale est vague, c’est faire une constatation qui à première vue paraît banale, et qui à la réflexion paraît équivoque ; qu’est-ce en effet que le vague ? Est-ce l’indéterminé ? Alors, en quoi consiste l’indétermination ? Sans nous perdre dans la spéculation a priori, revenons un moment aux faits d’observation très simples que nous venons de recueillir. Il y a, dans les réponses de nos sujets, deux traits qui m’ont frappé ; le premier n’est peut-être qu’une forme de langage ; j’ai remarqué que mes sujets ne décrivent pas l’image en elle-même, mais plutôt leur perception de l’image ; ils emploient les mots j’ai vu ou je n’ai pas vu. Ainsi, ils ne diront pas,