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LES MOUVEMENTS

quelconque — une conversation d’affaires, une promenade avec ses incidents multiples, — on se heurte le plus souvent à une difficulté sérieuse on ne connaît pas soi-même exactement l’événement qui forme l’objet du souvenir, on ne peut pas comparer l’objet et le souvenir et en saisir les concordances et les différences. C’est fort regrettable ; car les faits appartenant à la vie réelle expriment mieux que de petites expériences de laboratoire le cours ordinaire de nos pensées et nos habitudes mentales : et il y aurait un grand intérêt à connaître la mémoire naturelle des individus. La psychologie — nous l’avons déjà dit souvent — ne doit pas se confiner dans les expériences toujours un peu artificielles, mais se rapprocher autant que possible de la réalité vivante.

En médecine, et spécialement dans la médecine nerveuse et mentale, on a soin d’interroger les malades sur leurs occupations habituelles, sur leur profession, leur domicile, leur vie passée, sur les distractions qu’ils commettent dans les circonstances typiques ; cette conversation générale peut, en dehors de toute expérience précise, fournir des renseignements très instructifs sur la mémoire et aussi sur l’intelligence des individus interrogés. On sait que dans la paralysie générale au début, on rencontre fréquemment un léger affaiblissement de la mémoire de rappel ; le malade est incapable de donner son adresse, le numéro de sa maison ; il est également sujet à des oublis, sort d’un restaurant sans penser à payer sa note, etc. Dans certaines